Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
de noir de la tête aux pieds, le général était assis auprès des trois fils de Parménion, qui étaient tous morts. Il se réveilla en proie à une grande angoisse et n'osa pas raconter ce rêve à Aristandre.
Il préféra organiser une fête le soir même pour chasser les sentiments qui l'habitaient. En dépit de leurs nombreux différends, il était profondément attaché à Cleitos, dont la soeur l'avait allaité lorsqu'il était enfant, ce qui, dans la tradition macédonienne, créait entre les familles en question un lien très solide, de parenté ou presque.
Ge soir-là, Perdiccas, qui avait été nommé maître du symposion, déclara aussitôt qu'il y aurait deux cratères: l'un pour les Macédoniens, rempli de vin pur; l'autre d'une part de vin et de quatre parts d'eau, pour les Grecs. Cette décision mécontenta Alexandre, car elle écartait les invités perses.
Parmi les Grecs se trouvait un philosophe sophiste du nom d'Anaxarque, arrivé depuis peuj un homme prétentieux et arrogant, mais très habile. Il était venu avec deux poètes, qui se jetèrent sur le vin et sur la nourriture. La fête se déroulait au rythme des plaisanteries, des réflexions spirituelles et des histoires vulgaires, auxquelles participaient quelques " com pagnes ", tout aussi audacieuses que les invités masculins. Le vin coulait à flots, et à mi-soirée l'assistance était déjà passa blement éméchée, en particulier les Macédoniens. Le roi n'était pas en reste.
C'est alors qu'un des amis du philosophe, un certain Pranichos, s'écria:
" J'ai composé un petit poème épique ! Voudriez-vous l'entendre ?
--Pourquoi pas ? " répliqua Alexandre en ricanant.
Encouragé par l'approbation du souverain, le poète entre prit de déclamer son chef-d'oeuvre, suscitant aussitôt les rires de ses amis. Mais les Macédoniens avaient beau être ivres, ils n'en saisirent pas moins le sujet de ces vers. N'en croyant pas leurs oreilles, ils se turent brusquement.
L'homme dévidait une satire stupide qui avait pour cible les commandants de la garnison de Bactres, tombés dans l'embuscade de Spi taménès, au cours de la campagne de printemps. Il se moquait en particulier de leur ‚ge avancé.
Ils croassaient des chants de guerre, les deux vieillards, Incapables désormais de redresser leurs lances,
Ils prétendaient charger, flamberge au vent, Eux dont les têtes étaient chauves à présent.
Le Noir bondit et lui jeta sa coupe de vin au visage en hur lant: " Tais-toi, sale Grec, tas de merde ! "
Alexandre, à demi nu entre deux " compagnes ", n'avait pas écouté
attentivement le poème de Pranichos, mais il avait vu le geste de Cleitos.
Prenant la défense de son invité grec, il s'exclama aussitôt: " Comment te permets-tu d'agir de la sorte ! Demande-lui pardon et laisse-le continuer.
Moi, j'aime la poésie. "
A ces mots, Cleitos, déjà enflammé par l'alcool, sortit de ses gonds: "
Petit prétentieux, sale gamin arrogant! Comment peux-tu laisser cette merde de Grec vomir sur deux courageux of ficiers qui ont sacrifié leur vie sur le champ de bataille ?
--qu'est-ce que tu as dit ? ", cria Alexandre ulcéré par cette insulte sanglante.
" J'ai dit ce que j'ai dit ! Mais pour qui te prends-tu ? Tu crois vraiment être le fils de Zeus Ammon ? Tu crois vraiment les balivernes que ton exaltée de mère répand sur ta~prétendue~ naissance divine, et les autres idioties de ce genre ? Mais~ regarde-toi un peu ! Regarde ton accoutrement de femme, ces broderies et ces dentelles ! "
Blême de rage, Alexandre se leva et intima à son ordon nance: " Appelle les "écuyers" ! Immédiatement ! "
Les rois macédoniens avaient pour habitude de recourir aux " écuyers "
quand leur personne était menacée. L'irrup tion de ces soldats entraînant la mort immédiate du coupable l'ordonnance lança au roi un regard interdit, sans oser exé cuter son ordre. Alexandre lui assena un coup de poing sur le visage qui le précipita au sol, puis il cria de toutes ses forces: " "…
cuyers", à moi !
--Vas-y, hurla Cleitos. Appelle tes écuyers ! Allez ! Je vais te dire la vérité ! Sans nous, tu n'existes pas ! C'est nous qui avons vaincu, nous qui nous sommes battus, nous qui avons conquis ton empire ! Tu ne vaux même pas le petit doigt de ton père Philippe ! "
…pouvanté par le pli que prenait cette dispute, Ptolémée attrapa Cleitos par les épaules et tenta de l'entraîner. " Arrête le Noir, tu es so˚l, n'insulte pas le
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