Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
homme, ou on lui donne un baiser; mais on érige des temples à un dieu, on lui offre des sacrifices, on lui chante des hymnes. Il y a une grande diffé rence entre honorer un homme et vénérer un dieu. Tu es digne des plus grands honneurs parmi les hommes, parce que tu as été le plus courageux, le plus grand d'entre eux. Mais contente-toi de cela, je t'en prie, contente-toi de l'hommage des hommes libres et ne leur demande pas de se prosterner devant toi comme des esclaves ! "
Alexandre, qui donnait une audience à ce moment-là, baissa la tête. Seuls ses plus proches voisins purent entendre les mots qu'il murmurait: " Vous ne me comprenez pas... vous ne me comprenez pas... "
Hermolaos, le jeune page qui admirait tant Callisthène et méprisait le roi, était de ceux-là. Il avait succédé à Cébalinos à la tête des pages: après avoir sauvé la vie d'Alexandre ce dernier n'avait pas supporté la dureté de la vie militairé et la rigueur du climat, il était tombé malade durant la cam~ pagne des Scythes et avait expiré quelques jours plus tard~
emporté par une forte fièvre. Hermolaos passait ses journée~ à écouter les conseils et les enseignements de Callisthène, et i~ lui arrivait fréquemment de négliger le service auquel il était destiné.
Le roi dispensa donc de cette obligation ceux qui n'avaient pas le courage de se prosterner devant lui, et il ne revint pas sur ce sujet. Mais sa décisioll ne ramena pas la paix parmi ses gens. Ceux-ci bouillaient de rage en voyant les Asiatiques se prosterner devant lui, selon une pratique qui leur était pour tant naturelle et obligatoire, ils continuaient de le traiter tout bas de tyran prétentieux, aveuglé par le pouvoir et par un trop plein de chance.
Le mécontentement ne s'arrêta pas à de simples ronchon nements. Une fois encore, il se transforma en conjuration. Mais celle-ci fut ourdie par les jeunes gens qui avaient la charge de sa personne, par les pages qui veillaient sur son sommeil.
Le drame prit naissance au retour de Bactres, à l'occasion d'une battue de chasse au sanglier, une distraction qui, pour tant, était toujours source de joie. En raison de son grade, Hermolaos chevauchait aux côtés du roi. Soudain, un sanglier déboucha devant eux, poursuivi par Péritas et par une meute de chiens. S'écartant brusquement, Alexandre empoigna son javelot pour frapper l'animal. Mais Hermolaos ne sut refréner sa fougue et son envie de vaincre: il devança le roi et lui arra cha la victoire en abattant le sanglier le premier.
Cet acte constituait un grave affront et reflétait un mépris total de la tradition et du protocole de la cour. En de pareils cas, le roi était le seul à pouvoir infliger des punitions cor porelles aux pages, directement ou indirectement. Fort de cette prérogative, Alexandre fit fouetter le garçon avec des verges.
C'était un dur ch‚timent, mais totalement accepté à la cour. Les compagnons du roi avaient tous été punis de la sorte dans leur adolescence: le dos de Léonnatos en portait encore les marques. Plus d'une fois, Héphestion et Lysimaque avaient ainsi payé leur indiscipline par ordre du roi Philippe, de la main de Léonidas ou de leur maître d'armes. Pour l'auteur de ces règles, un tel ch‚timent était également un exercice d'en durance à la douleur, une ma~nière d'habituer le corps et l'‚me à
l'obéissance, à les endurcir face aux difficultés. A Sparte, on 934 /.L~XANDREL~GI~AND | ~scoNFINsDu~oNDL 935
fouettait les enfants non pour les ch‚tier mais pour accroître leur résistance, renforcer leur courage.
Hermolaos jugea, en revanche, qu'il avait été victime d'une humiliation féroce et d'une injustice. Dès lors, il conçut une profonde rancoeur à
l'égard du roi, qui se mua bientot en pro jet d'assassinat. Il lui e˚t été
facile de le frapper dans son som meil. Mais il avait besoin de complices afin de se ménager une issue. Enflammé par les idées que Callisthène lui avait inculquées, il s'érigeait en citoyen athénien obligé de défendre la démocratie de sa cité contre le tyran, alors qu'il était un page macédonien au service de son roi dans un pays lointain au milieu de toutes sortes de dangers. Il ne voyait pas, non plus, que la main d'Alexandre nourrissait Callisthène, qu'elle lui fournissait de quoi manger, se vêtir et se protéger contre le froid du haut plateau.
Avec l'inconscience des adolescents, Hermolaos se confia à l'un de ses amis, un certain
Weitere Kostenlose Bücher