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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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uns après les autres, entourés d’autres parachutes. Le temps de rentrer pour avertir sa femme,
le ciel était vide, et l’avion avait disparu. Au lever
du jour, les gendarmes sont venus l’interroger puis
ont fouillé sa ferme et les champs alentour. Après
un silence, le garçon ajoute, plus bas : « J’espère
qu’ils sont bien planqués. »

    Je sens mon cœur battre plus vite. Malgré la dernière phrase, je n’ose regarder Briant de peur qu’un
signe nous trahisse. Je suis persuadé que les clients
ont compris que nous étions les parachutistes en
question et qu’ils vont alerter la police. Je regrette
seulement de m’être séparé de monrevolver 3 .

    En réalité, la terrasse s’emplit de voyageurs qui ne
se gênent pas pour évoquer le succès de la manifestation d’hier, sans prêter attention à notre présence.
À mon soulagement, pas un ne fait allusion aux
parachutistes.

    Lorsque le train entre en gare, nous sommes entraînés par la foule. Dans la bousculade, nous montons
dans un wagon archicomble. Je ne sais comment
*Claudine a pu trouver trois places assises dans un
compartiment.

    Les porte-bagages étant saturés de valises, nous
abandons les nôtres à l’entrée du wagon, près du
soufflet. À l’arrêt suivant, inquiet qu’on nous les vole,
je me poste dans le couloir afin de les surveiller de
loin. Un jeune soldat est assis sur la mienne : quelle
meilleure garantie de protection ?

    Les voyageurs de notre troisième classe ont beau
être endimanchés, Briant et moi sommes habillés
très différemment. Après l’arrêt de Saint-Étienne, la
porte du compartiment s’ouvre brusquement sur deux
policiers en civil, qui réclament les papiers d’identité. Je n’ai pas imaginé que l’épreuve des faux papiers
serait aussi proche.

    Quand le policier prend ma carte, je retiens mon
souffle et me répète mon nouvel état civil  : « Charles
Daguerre, journaliste, né le 10 août 1920 à Péronne. »
Mon seul alibi est à toute épreuve : une journée de
vacances chez des amis à Montluçon.

    J’ignore en revanche le nom et l’adresse de mon
« correspondant » à Lyon. * Claudine ne m’en a rien
dit. De surcroît, je n’ai nulle part de domicile vérifiable. Tout cela n’est-il pas trop fragile ? Pendant que le
policier examine ma carte d’identité, le temps s’éternise, et je sens ma fin proche. Je suis sûr qu’il lit, en
filigrane, la vérité sur mes papiers : « Daniel Cordier,parachuté le dimanche 26 juillet, à 2 heures du matin,
près de Montluçon. »

    Il relève la tête, scrute mon visage et, me semble-t-il, hésite imperceptiblement. En dépit de mon émotion, je le regarde sans ciller et suis aussi surpris
que soulagé lorsqu’il me tend la carte en me remerciant. Il parcourt rapidement celle de Briant, la lui
rend sans un mot, puis referme la portecoulissante 4 .

    Le silence qui s’est installé dans le compartiment
lors de l’irruption des policiers se prolonge. Pourtant,
les femmes et les hommes qui nous entourent
n’ont nullement l’allure de conspirateurs. Que
craignent-ils ?

    Lorsque les conversations reprennent, nous n’entendons aucun commentaire sur cette intrusion. Les
uns évoquent des affaires de famille, d’autres les
problèmes de ravitaillement, les difficultés de logement, etc. ; pas un mot non plus sur la politique et
la guerre. Je me rabats sur le paysage, que je dévore
des yeux. Hélas, cette région m’est inconnue, et les
vallons et les bois qui défilent ne m’évoquent rien.

    Nous arrivons à Lyon dans l’après-midi. * Claudine
nous conduit à pied sur l’autre rive du Rhône.

    Après avoir pénétré dans un immeuble moderne,
elle s’arrête devant un appartement en rez-de-chaussée. J’ai hâte de me cacher. Elle sonne, longuement ; personne n’ouvre. À la suite de * Claudine,
nous ressortons et nous installons sur un banc, au
milieu de la vaste place voisine. Elle s’éloigne pour
aller téléphoner.

    Dans la solitude de cet espace inconnu, je découvre que je n’ai jamais imaginé les conditions matérielles de ma mission. Des lieux aussi paisibles que
ce cadre provincial — des enfants jouent à la marelle
dans un coin de la place, tandis que des matrones
devisent sur un banc, non loin de nous — me semblent soudain receler des dangers invisibles. Ce n’est
pas le champ de bataille héroïque dont je rêve depuis
deux ans.

    J’observe Briant du coin de l’œil.

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