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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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rapport m’informe des problèmes militaires
auxquels les mouvements sont confrontés et des
difficultés rencontrées par *Rex avec les chefs. La
Résistance paramilitaire est en crise. Les chefs
refusent la fusion, qui a pour but de constituer une
armée secrète unique soumise à une seule autorité.
Surprenante indiscipline qui, selon *Rex, s’oppose à
la volonté des militants et des cadres inférieurs. Il
stigmatise l’attitude des chefs, embourbés dans une
« querelle de boutique », qui éloigne les éléments
nouveaux, notamment les chefs militaires, dont la
Résistance manque cruellement : « Ces militaires de
haut-rang n’entreront que dans une formation unique en prise directe avec les chefs de la France
combattante. » L’action de *Rex dans cette affaire
ne m’apparaît pas clairement  : d’un côté, il indique
qu’il s’est « opposé à toute tentative de fusion paramilitaire », mais, d’un autre côté, il confirme que c’est
« le but ultime à atteindre ».

    De Gaulle a donné des ordres : pourquoi les chefs
ne les exécutent-ils pas ? Selon *Rex, les troupes
échappent aux chefs. « Dans un certain nombre de
villes, malgré nous, malgré les chefs, la fusion
s’est pratiquement réalisée. » Si l’armée clandestine
n’existe pas, pourquoi *Rex réclame-t-il des armes
en grande quantité ? « Une section dotée simplement
d’une mitraillette d’instruction est une section qui
s’augmente en quantité et en qualité d’une façon
prodigieuse. » Je m’étonne qu’il parle de « section »
puisqu’il avoue lui-même qu’il n’existe qu’une horded’individus reliés par des liens indéfinissables. Je
remarque qu’en dépit de son autorité naturelle et de
son titre, il éprouve quelque difficulté à se faire obéir
des résistants.

    Vers 5 heures de l’après-midi, j’ai achevé une
grande partie du codage de ce long rapport. Mme
Moret revient du marché. Elle a rencontré la jeune
Alsacienne dont elle m’a parlé, et l’a invitée à déjeuner demain. En principe, celle-ci est d’accord pour
travailler avec moi : « Vous aurez le temps de vous
faire une opinion. »

    Pour me détendre, je descends sur les quais.
Subitement, j’ai envie de flâner à la librairie
Flammarion. Je prends aussitôt le tramway, qui me
dépose près de la place Bellecour. Je me dirige vers
l’entrée de la librairie lorsque j’entends une voix
rieuse me glisser à l’oreille : « Que fais-tu ici ? » C’est
un camarade d’Angleterre, que je reconnais avant
même de me retourner : Maurice de Cheveigné.

    Cette coïncidence inouïe me transporte en même
temps qu’elle me gêne. Les consignes du BCRA sont
formelles : interdiction de rencontrer nos camarades en mission, sauf sur ordre de Londres. Depuis
le départ de Briant, je vis dans une solitude que je
n’ai encore jamais connue. En dépit d’une foule de
rencontres, je n’ai d’intimité avec personne. Sans me
laisser le temps de réfléchir, il enchaîne : « Conseille-moi. J’ai du temps libre et ne sais quel livre choisir. » Heureux de faire partager mes goûts, j’entre
avec lui dans la librairie. Très jeune, il a renoncé à
ses études, mais son intelligence primesautière et
son caractère espiègle, sa curiosité de la vie et des
autres sont plus attrayants que toute culture.

    Que lui conseiller ? Les classiques, gangrenés par
l’ennui scolaire, lui font peur. De toute façon, cesauteurs anciens sont trop étrangers à ses préoccupations. Après une hésitation, je reviens à mes
premières idoles et lui conseille Les Thibault . Pour
marquer l’importance que j’attache à notre surprenante rencontre, je décide de lui offrir l’œuvre complète.

    Il est 7 heures. « Viens dîner avec moi, dit-il. J’ai
trouvé un petit bistrot sympa où l’on mange bien
pour pas cher. Je crois que j’ai tapé dans l’œil de la
patronne. Elle me fait un prix. » Dragueur impénitent, il séduit les femmes par la seule certitude de
leur plaire. Son aspect adolescent les rassure : le
diable est dans la place avant qu’elles se méfient.

    Le restaurant est situé non loin de là, place
Gailleton. Chemin faisant, il me raconte son existence depuis sa brusque disparition d’Oxford, au
mois de mai de 1942. Il avait été parachuté blind ,
c’est-à-dire sans comité de réception, et était devenu
le radio de * Salm 28 . Son nom de code est donc
*Salm.W. *Salm est un

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