Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
Vom Netzwerk:
plus
tardivement selon les exigences du patron.

    Je l’interroge sur son état civil : « Souhaitez-vous
devenir clandestin et vivre avec de faux papiers ?

    — Comme j’habite chez mes parents avec ma jeune
sœur Dominique, je préfère garder ma véritable
identité.

    — Quand êtes-vous libre ?

    — Immédiatement.

    — Tenez, voici les clefs de mes boîtes. Je vous
présenterai à * Mado lors de mon rendez-vous de midi.
Vous vous appellerez désormais * Germain. »

    Je lui transmets les règles de sécurité en insistant
pesamment sur le risque des filatures, multiplié parses contacts nombreux : les courriers et les radios
sont les fusibles de la Résistance. Nous convenons
que nos rendez-vous auront lieu, par commodité,
place Bellecour. Peut-être est-ce une erreur, puisque la Résistance entière s’y retrouve à toute heure
du jour.

    Lorsque je lui annonce que son salaire sera de
1 200 francs par mois, comme celui de * Mado ou
le mien, il a la même réaction qu’elle : « Mais, c’est
trop !

    — Attendez d’avoir travaillé pour savoir ce dont
vous avez besoin. L’argent ne doit pas être un problème. Je veux que vous ne manquiez de rien. La
Résistance, ça use. En cas d’arrestation, il faut tenir
le coup. Vous devez vous nourrir correctement,
c’est un devoir et c’est coûteux. »

    Lundi 31 août 1942

     

    Découverte d’une feuille clandestine

    Je trouve parfois dans mes boîtes des journaux
clandestins, dont le nombre augmente en cette fin
d’août. Je reconnais les exemplaires photographiés
dans La France libre  : leur format (une feuille de
papier machine) les fait ressembler aux revues des
collégiens.

    Le premier journal que j’apporte à * Rex est Le
Populaire , sous-titré « Organe du Comité d’action
socialiste ». Est-il toujours le périodique de la SFIO,
dont les trois flèches rouges étaient pour moi naguère
le symbole de l’ennemi ? Le parti s’est-il transformé
en mouvement de résistance ? La lutte contre laRelève préconisée par Laval (trois travailleurs contre
un prisonnier) fait l’objet de l’éditorial : « Pas un
homme de plus ». Les articles traitent de sujets
divers : compte rendu détaillé des manifestations du
14 Juillet (« Le peuple s’est prononcé »), réflexions
à l’usage des militants (« Comment rebâtir la
République »), dénonciation de Pétain et de son
régime (« Un homme ? Une élite ? Non, le peuple ! »).

    J’apprends qu’André Philip, qui a rallié de Gaulle,
est député socialiste du Rhône et résistant. Maintenant qu’il est devenu commissaire national, * Rex
est-il à ses ordres ? Depuis mon parachutage, je suis
quotidiennement confronté à un vocabulaire politique nouveau, véhicule d’une autre façon de penser.
Bien que cette dernière me soit en partie étrangère,
je m’y familiarise inconsciemment.

    Dans Franc-Tireur , l’éditorial titré « Complice de
la trahison » raconte la carrière de Pétain depuis
1934. Il révèle le complot du désarmement de la
France d’avant-guerre jusqu’à l’installation du régime
de Vichy et dénonce « toutes les horreurs commises
ces jours derniers contre les malheureux Juifs ».
Je jubile : les crimes de Pétain sont trop rarement
dénoncés. Une pensée cruelle me traverse : Le faire
lire à Mme Moret ? J’y renonce, ne voulant pas la
froisser.

    Dans un entrefilet à propos des manifestations du
14 Juillet, j’apprends que « beaucoup d’ouvriers et de
gens du peuple » ont crié « Vive la République ! ».
Le journal ajoute : « Certes, le régime républicain
défunt n’était pas sans tare, sans responsabilités […].
À nous de faire cette fois une vraie République,
meilleure et plus belle que l’ancienne. » J’apprécie
cet article, mesurant au passage le chemin que j’aiparcouru  : j’accepte la République nouvelle, à condition de condamner la précédente.

    Une autre fois, je reçois deux numéros de Libération , l’un de la zone libre, l’autre édité en zone
occupée. Un éditorial commun affirme que Libération est l’artisan de l’« unité des deux résistances » et
que l’« unité de la France invaincue » se fait sous
l’« égide » du général de Gaulle, dont les mouvements
« reconnaissent l’autorité ». Je dois rêver ! Comment
des résistants qui combattent d’arrache-pied les
directives de * Rex peuvent-ils écrire de telles

Weitere Kostenlose Bücher