Alias Caracalla
soumis les dépenses du secrétariat. Nous étions trois à cette époque. Quelques mois plus tard,
nous fûmes une douzaine. Jamais il ne fit la moindre observation
sur le montant des dépenses qui grossissaient en conséquence.
19 . Si incroyable que cela puisse paraître, cette situation était la
conséquence du respect par Moulin des règles de sécurité édictées
par les Britanniques et le BCRA. Si ces mesures avaient été appliquées par tous, la Résistance aurait été paralysée, car les rendez-vous urgents auraient dû obtenir l’accord de Londres. La plupart
du temps, elles furent donc allégrement violées. Ma rencontre avec
Maurice de Cheveigné en est un exemple.
20 . Le lendemain soir, à mon retour, j’eus la surprise de découvrir mon lit soigneusement fait, la vaisselle nettoyée et, sur ma
table, un petit carré de papier sur lequel l’inconnu avait tracé d’une
écriture élégante : « Merci ».
21 . Un des anciens palaces de Pau qui avait fermé durant la crise
des années 1930 et avait été vendu par lots en appartements.
22 . Domino, Yves Carquoy et Henri Blanquat sont des noms
d’emprunt. Si j’ai choisi de ne pas révéler leur véritable identité,
c’est par respect pour nos amitiés d’enfance.
XI
EN L’ABSENCE DU PATRON
8-30 octobre 1942
Jeudi 8 octobre 1942
Un fantôme de la III e République
À la fin du mois d’août, Londres a accepté la venue
d’Emmanuel d’Astier de La Vigerie, Henri Frenay et
Jean-Pierre Lévy et demandé à * Rex de se joindre à
eux. D’Astier et Frenay sont partis le 17 septembre
en sous-marin. Depuis lors, Lévy et * Rex espèrent
leur départ sur des terrains successifs, dont les opérations finissent toutes par être annulées.
Jusqu’au 30 septembre, ils ont attendu leur envol
pour Londres au Goujon friand , une auberge isolée
proche de Mâcon, non loin de la Saône. L’opération
ayant échoué, ils sont partis à la fin du mois sur la
Côte d’Azur, où un sous-marin devait venir les prendre dans la nuit du 3 au 4 octobre. Après quelques
jours d’attente vaine, une autre opération aérienne fut
montée dans le Nord, avant d’être elle aussi annulée.
Resté seul durant cette période, j’étais responsable de toutes les liaisons. Heureusement, après deux
mois de rodage, mon travail est devenu une routine, même si ce mot n’est sans doute pas approprié
à la Résistance, où les conditions et le rythme dutravail sont continuellement bouleversés par les
malentendus, la surcharge de besogne et les arrestations.
L’expérience m’a appris la difficulté de maintenir
des contacts radio avec l’Angleterre aussi bien que
des liaisons avec Paris ou la province, les services
et les mouvements à Lyon et dans la zone libre. La
tâche consistant à obtenir l’accord des chefs sur
n’importe quel sujet est simple dans ses objectifs,
mais laborieuse dans saréalisation 1 .
À mon retour de Toulouse, le 27 septembre, j’avais
trouvé dans ma boîte quantité de papiers et télégrammes adressés à * Rex. Il m’avait prescrit de ne
le rejoindre que pour des affaires urgentes. Dans ce
cas, je devais lui apporter les informations au Goujon
friand . C’était le cas d’un télégramme que je décodai
ce matin-là :
Demander par personne sûre — Herriot —
qu’il adresse à André Philip qui sera octobre
Amérique lettre où affirme solidarité avec de
Gaulle. Lettre ne sera montrée qu’au seul président Roosevelt.
Je pris le train après le déjeuner et arrivai dans
l’après-midi au Goujon friand . En dépit de la saison
tardive, l’hôtel vivait encore dans une atmosphère
de vacances, bien étrangère aux turbulences de laclandestinité. Quand je demandai « M. Marchand »,
la patronne me répondit qu’il était sorti pour dessiner et me désigna une direction dans la campagne.
J’y trouvai * Rex, coiffé d’un béret et vêtu de sa canadienne, occupé à faire des croquis au bord de la
rivière. Quand il me vit arriver, ses traits se figèrent :
seule une affaire grave justifiait ma présence. Je le
rassurai en lui résumant le câble reçu de Londres.
« Décidément, me dit-il après l’avoir lu, ils me prennent pour Shiva. Comment veulent-ils que j’attende
mon départ sur le terrain et que j’organise une rencontre avec Herriot ? »
Il m’entraîna vers l’hôtel. L’exigence du Comité
national l’agaçait
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