Alias Caracalla
fonctionnement du Comité de coordination et
de la situation de la Résistance après le débarquement en Afrique du Nord. »
*Rex profite de cette ouverture pour lui expliquer
que, sans attendre la réunion des chefs, les instructions lui semblent irréalistes au moins sur un point :
les consignes imposant l’adhésion des résistants de
tous bords aux trois principaux mouvements. « C’est
méconnaître l’individualisme outrancier des chefs,
dit-il. C’est déjà un miracle d’avoir obtenu la fusion
de leurs groupes paramilitaires. »
*Rex propose de coordonner d’abord l’action des
trois principaux mouvements, en espérant que les
« petits » en subiront la force centrifuge. Manuel
explique que la décision du Général en faveur du
Comité de coordination est le résultat d’un compromis. Louis Vallon, responsable de la sectionNM 18 ,
en avait proposé la création. D’Astier avait donné
son accord pour un tel comité réglant les questions
administratives et politiques, à condition que les
journaux demeurent autonomes. À la suite, Frenay
avait confirmé son accord, tout en souhaitant que
ce soit un homme de Combat qui préside ce nouvel
organisme.
Cette proposition fut refusée par d’Astier, au prétexte que les troupes de Libération n’étaient pas des
soldats, mais le peuple en armes et qu’il prendrait,
le jour venu, possession des instruments de travail(usines, banques, etc.). Nul ne devait se tromper
d’objectif : la Résistance préparait la Révolution.
Si Frenay était d’accord sur une « révolution », ce
n’était pas celle de d’Astier. Il souhaitait mobiliser
non le peuple en armes, mais une armée, qui, pour
être « secrète », serait constituée de commandos
encadrés militairement. C’est pourquoi il en revendiquait le commandement, ce que d’Astier refusait,
déclarant que ses propres troupes resteraient autonomes.
*Rex l’interrompt : « Je suis surpris que *Charvet
[Frenay] ait revendiqué le commandement de l’Armée
secrète, puisqu’il était d’accord pour accepter la
désignation du général * Vidal [Delestraint] à ce
poste. » Manuel répète que Frenay, au début de
son séjour à Londres, n’acceptait pas l’autorité de
Delestraint. Pour le convaincre, il a fallu des négociations difficiles.
« Heureusement, Louis Vallon est un socialiste de
choc et un maître du compromis. Il a proposé plusieurs solutions. Finalement, il a rédigé un projet
en reprenant celui du Comité de coordination des
mouvements qu’André Philip vous a soumis et dont
vous deviendrez le président avec une voix prépondérante, tandis que le général * Vidal serait le
commandant en chef de l’Armée secrète. Le Général
a ensuite reçu les deux chefs. À la sortie, ils ont
accepté. Avec lui, les discussions ne traînent pas en
longueur : il explique, l’interlocuteur répond, il décide,
et l’on se sépare. »
Manuel regrette que les services de Londres n’aient
pas rédigé de compte rendu de la rencontre : « Le
paragraphe que vous jugez inacceptable a été le prix
de leur accord ; ils ont voulu être les seuls mouvements reconnus par la France combattante commereprésentants de toutes les résistances ; les seuls à
recevoir argent, radios, armes. C’est un atout de la
France libre. Le Général vous laisse tout pouvoir
pour définir le cadre de l’application. »
Manuel décrit ensuite l’état d’abandon du général
de Gaulle après le Débarquement en Afrique du
Nord. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire,
Frenay a été son soutien le plus actif au cours de la
crise ouverte par la nomination de Darlan. Il s’est
même proposé pour aller à Alger négocier avec
Giraud, mais de Gaulle a finalement refusé sesservices 19 : personne à Londres n’a oublié l’affaire Pucheu.
De surcroît, de Gaulle entend négocier, à son heure,
sur son terrain, et à ses conditions.
« Cela dit, ajoute Manuel, il ne faut pas se masquer la gravité de la situation. Au regard de la crise
actuelle, les escarmouches passées avec Churchill
sont des pantalonnades. La France combattante n’a
jamais été aussi proche de sa disparition. Les
Français antigaullistes de Londres jubilent. Ils sont
si aveuglés par leur haine du Général qu’ils souhaitent le succès de Darlan, auquel ils sont prêts à se
rallier. »
Selon lui, les Américains sont les seuls maîtres du
jeu depuis que les Anglais ont perdu la
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