Alias Caracalla
extraordinaire document. D’abord, parce qu’il y eut très peu d’échanges épistolaires
entre les agents du BCRA en mission ; ensuite, parce qu’elle
témoigne de la vie que nous menions, de notre jugement sur les
Français et de la nature des sentiments qui unissaient les Français
libres. Après avoir revu quelques-uns d’entre eux depuis le début
de mon travail d’historien, je puis dire que le temps n’a pas eu de
prise sur la complicité affectueuse de nos attaches anciennes. Ce
document présente l’immense mérite d’être vrai dans ses mots,
dans sa vision, dans ses sentiments sur le vif, sans le prisme,
hélas déformant, de la mémoire et d’une langue qui a évolué au
cours de la vie et ne traduit plus qu’imparfaitement les nuances
de l’expérience d’autrefois.
9 . Il s’agit d’un de nos camarades qui s’était tué lors de son parachutage le mois précédent. Son parachute était resté accroché à
l’avion et son corps frappait la carlingue. Lorsque les Anglais s’en
aperçurent, ils coupèrent les cordes, mais trop tard.
10 . Au moment de son départ effectif, quelques jours plus tard,
Jean Moulin souligna dans un télégramme comment il devait être
accueilli à Londres : « Tous mouvements et partis unanimes derrière général de Gaulle demandent la plus grande fermeté à l’égard
de l’envoyé général Giraud qui doit faire acte d’obédience. » Linarès
rencontra effectivement de Gaulle et sembla convaincu par les
arguments du Général. Revenu à Alger auprès de Giraud, il rallia,
hélas ! les vues de celui-ci.
11 . Cette remarque de Jean Moulin révèle l’étanchéité de la communication des agents de la France libre, puisqu’elle était prononcée dans la période même où les communistes négociaient avec
de Gaulle l’envoi d’un de leurs représentants à Londres. Il est vrai
que cela avait lieu à Paris, par l’intermédiaire d’un agent du service
de renseignements appelé Gilbert Renault (colonel * Rémy).
12 . Le retard dans la réponse du parti explique pourquoi la signature de celui-ci est absente du manifeste de Moulin.
13 . J’ai retrouvé dans les archives les instructions successives de
juillet à octobre qui n’avaient pu être expédiées faute d’opérations
aériennes. Sur de nombreux points, le texte de l’instruction n o 15
avait été remanié. En particulier sur un point : au mois de
juillet 1942, la France libre avait reçu des informations sur un
coup d’État de Jacques Doriot pour prendre le pouvoir à Vichy.
André Philip demandait à Jean Moulin de prévoir d’installer à
Vichy, lors du débarquement allié, un gouvernement composé de
résistants et de représentants politiques.
14 . J’ai découvert aux Archives nationales le manuscrit autographe de ces instructions : il est entièrement de l’écriture de
Pierre Brossolette ( * Brumaire) pour la partie politique.
15 . Je ne devais pas tarder à découvrir qu’il s’agissait de Jean
Loncle, un de mes camarades d’Old Dean, en octobre 1940.
16 . Un autre camarade d’Old Dean, Georges Denviollet.
17 . Yvon Morandat repartit pour Londres par l’avion qui apportait ces instructions, dont la dernière rédaction datait du
16 novembre.
18 . La section « non militaire » du BCRA avait été créée à l’été
de 1942 pour traiter les questions politiques, interdites par nature
au BCRA. Cette section s’occupait des problèmes politiques de
la Résistance en liaison permanente avec le commissariat à
l’Intérieur, conduit par André Philip. Elle était dirigée par Louis
Vallon, socialiste arrivé de France depuis peu.
19 . Les documents m’ont révélé qu’un voyage à Alger d’Henri
Frenay et Emmanuel d’Astier de La Vigerie avait en effet été envisagé.
20 . Christian Pineau ( * Francis) était un syndicaliste socialiste,
fondateur du journal Libération zone nord , dont il a rédigé seul les
premiers numéros. Ayant fait le voyage à Londres en avril 1942, il
avait demandé à de Gaulle un texte assurant les socialistes de sa
volonté de rétablir la démocratie en France. Hostile aux mouvements de zone sud, ceux en particulier d’Henri Frenay, soupçonné
de sympathie avec Vichy, il avait suggéré dans un rapport à Londres
de l’expédier là-bas et de l’y conserver. Moulin s’était opposé à cette
mesure antidémocratique, mais, les mois suivants, il lui
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