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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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allés à Munich ensemble, nous avons
déclaré la guerre conjointement et juré de ne jamais
agir séparément : les Français sont non seulement
des vaincus, mais des parjures.

    Pour échapper à la rancœur de notre trahison, je
place mes espoirs dans l’armée britannique, qui,
comme en 1918, a sans aucun doute besoin des soldats français pour vaincre les Boches.

    Un détail me rassure : de jeunes Anglais nus à bord
de canoës vernis tournent autour du navire, agitant
les mains en signe de bienvenue. En comparaison
de la panique de Bayonne, la décontraction des baigneurs britanniques semble un mirage. Est-il possible que l’Angleterre ignore la guerre, alors même
qu’elle peut être attaquée et vaincue d’un instant à
l’autre ?

    Philippe me fait remarquer que nous sommes à
l’extrémité occidentale de la grande île, dont la côte
est parsemée de stations balnéaires. C’est l’époque
des vacances, et ces garçons insouciants n’ont probablement jamais vu de bateau de réfugiés. Il ne
doit pas en être de même à Londres, envahi par les
soldats de Dunkerque.

    Malgré ce divertissement, notre déception est vive
lorsque le capitaine nous annonce, en fin d’après-midi, que nous devrons passer à bord une nuit supplémentaire.

    Sur le pont, accoudés à la rambarde, nous sommes distraits par le ballet des embarcations toujours
plus nombreuses qui nous entourent. Nous scrutons
les quais au loin, où nous discernons camions et automobiles et, derrière une digue, les cheminées des
navires encombrant le port.

    Gouillard me glisse : « Gauguin aurait fait de ce
spectacle un chef-d’œuvre. » Je m’étonne. Je ne
connais de l’artiste que de mauvaises reproductions
en noir et blanc. Sachant Gouillard peintre, j’opine
prudemment.

    Mardi 25 juin 1940

     

    Falmouth

    Ce matin, après ma toilette, je change de costume.
J’espère l’arrivée d’une vedette qui nous délivrera.

    Je me trouve par hasard à côté d’un homme élégant descendu de la passerelle avec une grosse valise
en cuir fauve ressemblant à celle que mon père utilisait dans ses voyages. Il me regarde avec sympathie :

    « C’est votre premier voyage en Grande-Bretagne ?

    — Oui. Je suis surpris de la ressemblance du paysage avec le Pays basque.

    — Vous êtes basque ?

    — Non, mais depuis ma naissance je passe l’été
chez mes grands-parents à Aguilera.

    — Nous étions voisins alors : je passais les miennes à Arbonne.

    — Peut-être connaissez-vous les Borotra ? Jean était
un camarade d’enfance de ma mère.

    — Moi aussi, je suis un ami de Jean Borotra.
J’habite à Pouille quand je suis là-bas. Comment
s’appelle votre mère ?

    — Gauthier.

    — Mais alors, vous êtes le fils de Janette ! »

    Je rougis, soudain gêné par sa familiarité avec cette
jeune fille inconnue qui n’était pas encore ma mère et
dont il était l’ami. « Ah, Janette ! fait-il rêveusement. Vous pouvez être fier d’avoir une mère aussi
séduisante. »

    Je ne sais que répondre tant je suis bouleversé par
cette évocation imprévue, à cette minute et en ce
lieu. Heureusement, une vedette anglaise approchedu Léopold II , et Maurice Schwob, c’est son nom, se
dirige vers l’échelle de coupée en quête d’informations.

    Les officiels anglais s’enferment dans la cabine
du capitaine.

    Depuis ce matin, nous sommes impatients de
quitter le navire. Je n’ai pas oublié les rumeurs anti-britanniques propagées à Pau avant mon départ,
décrivant la barbarie des Anglais à Dunkerque, où
ils empêchaient les soldats français de monter à
bord de leurs embarcations. Ils n’hésitaient pas,
disait-on, à couper les mains de ceux qui tentaient
de s’accrocher.

    Après une nouvelle attente interminable, une
vedette anglaise nous débarque par petits groupes à
proximité du bureau d’immigration.

    Dans les locaux de la police, je remplis une fiche
de débarquement (destinée aux « réfugiés de Hollande
et de Belgique ») et présente ma carte d’identité, avant
d’être interrogé minutieusement. N’ayant ni visa
ni passeport, je suis étonné de m’entendre demander
le but de mon voyage. Je réponds « m’engager dans
l’armée française » et demande la manière de contacter le général commandant les troupes françaises.
Mon interrogateur l’ignore.

    Il me rend finalement la moitié de ma fiche de
débarquement. C’est un permis provisoire

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