Alias Caracalla
de la nouvelle organisation : la création du Comité de coordination et la
fusion de l’AS : « Ces changements ont rendu inutile le rôle que nous avions en tant qu’agents de
liaison des mouvements : tant mieux ! Alors que
*Bernard [d’Astier] m’évitait auparavant, maintenant il me revendique comme seul intermédiaire
accrédité. Autrefois, mes demandes de rendez-vous
étaient sans réponse ; à présent, Libération veut me
voir. »
Je suis heureux de ce renversement : je me souviens trop bien de ses plaintes à l’encontre de
Libération, qui l’ignorait. « * Bernard, ajoute Schmidt,
a réalisé l’importance de l’Armée secrète avec la
fusion des forces militaires. Libération n’apporte
presque rien et surtout rien d’organisé. »
Je lui marque mon plaisir de cette revanche.
« Merci, me dit-il. Mais je redoute l’heure des combats. Les mouvements sont incapables de remplir
les missions qu’ils ont acceptées. Le plus triste, ce
n’est pas le manque d’hommes, mais qu’ils n’aient
pas su organiser ces hommes. »
Schmidt me donne quelques exemples de la confusion générale qui règne à Toulouse : « Il y avait
un état-major commandant plusieurs bataillons. Le
11 Novembre dernier, il a disparu au grand complet
vers l’Espagne, plus calme. Le nouveau colonel
envoyé par Libération a découvert avec effroi que
plus rien n’existait dans la région. »
Ignorant les détails de ces organisations, j’affichema stupéfaction et manifeste un doute : « Mais mon
pauvre, c’est partout pareil, me répond-il. À Limoges,
que je connais bien, rien n’est organisé. Ce sont de
braves types, mais sans envergure. Ils souffrent
d’un égoïsme assez curieux : ils sont francs-maçons.
Quand on interroge le chef sur leurs effectifs, il évoque un chiffre invérifiable. »
Ce n’est pas la première fois que je l’entends râler
et maudire les gens avec lesquels il travaille : pour
lui, seule la France libre est organisée et héroïque.
C’est aussi mon avis, mais nous sommes en mission en France, et si les résistants ne ressemblent
ni de près ni de loin aux Français libres, nous sommes néanmoins chargés de préparer ensemble la
Libération.
Schmidt me regarde, les yeux brillants : « Je suis
sûr que tu penses comme moi. Ceux qui disent qu’ils
possèdent une armée sont des clowns. » Il rit. Même
si la Savoie et Lyon ont son indulgence parce qu’on
tente de saboter des voitures gonio, sa conclusion
est sans nuances : « Il n’y a pas d’armée organisée
dans la clandestinité. »
C’est la première fois que Schmidt me parle longuement de ses fonctions et, surtout, qu’il me donne tant
de détails sur sa mission. Certes, entre Français
libres, il n’y a pas de secret, mais en le quittant je
suis triste de constater que tant d’espoirs et d’efforts
aboutissent au néant.
Ce soir, je reçois un câble de * Rex qui m’annonce
son retour. Ça me remonte le moral !
Il me demande de préparer son passage en zone
nord. Par ailleurs, je dois demander à * Frédéric derejoindre Paris pour rencontrer * Brumaire et * Passy.
Il ajoute : « Frédéric devra assurer mes cantonnements, carte identité et alimentation faux je dis
faux nom. »
Sans répondre à son message, je lui signale en
retour l’activité militaire de Giraud en Corse, ajoutant : « Se dit seul qualifié pour représenter la
Résistance du peuple français. »
Cela fait huit jours aujourd’hui que * Rex est parti.
Son absence m’a révélé une Résistance inconnue :
*Rex existe par l’argent qu’il distribue. Je le découvre aujourd’hui parce que, depuis le départ du patron,
je suis plus qu’un simple exécutant : je dois choisir
et parfois trancher.
Dimanche 21 février 1943
André, mon camarade
Après déjeuner, je me rends au bureau en marchant
tête baissée. Au qui-vive permanent dans lequel nous
vivons, s’ajoute, depuis une semaine, une responsabilité à laquelle je fais face difficilement.
Absorbé par mes tourments, je ne vois pas, sur le
trottoir opposé, l’homme qui traverse la rue pour venir
à ma rencontre : « Pa’don, monsieur, connaissez-vous
un bain public dans le qua’tier ? » Ce défaut de prononciation est celui d’André Marmissolle, mon camarade de Saint-Elme. Je lève la tête : c’est lui !
Après tant de complicité partagée au collège, à la
montagne, à Bordeaux, trois ans ont
Weitere Kostenlose Bücher