Alias Caracalla
Rex dans lequel il m’annonce
l’échec d’une double tentative de retour et son report
à la prochaine lune. Le Lysander devait aussi ramener le général Delestraint. La seule bonne nouvelle
est pour le réseauBrandy 7 , dont * Rex me demande
de lui « avancer tous fonds nécessaires ».
Le mot « Amitiés », qui, pour la première fois,
figure dans un télégramme, m’apporte une piètre
consolation à ce désastre.
La nouvelle lune est le 6 mars, dans une semaine,
mais je sais d’expérience que les opérations Lysander
sont plus aléatoires encore que les parachutages :
outre les problèmes de visibilité et d’accueil de
l’équipe de réception, l’atterrissage exige davantage
de mesures de sécurité — surtout pour de telles personnalités — que les simples largages.
Conclusion, je vais devoir affronter les « chefs »
sur la pire des questions : l’argent. L’information que
je leur apporte concernant la lecture de leurs
journaux à la BBC ne me paraît pas de nature à
compenser leur déception.
Mercredi 3 mars 1943
L’insurrection est pour demain
Je reçois d’abord un câble de * Rex pour * Frédéric,
dont il est sans nouvelles. * Rex lui demande de
rejoindre d’urgence la zone nord, car « Arquebuse
[ * Passy] bien arrivé ZO avec nouvelles instructions
arrêtées d’accord avec Max [ * Rex] ». * Frédéric étant
déjà parti, cela ne me concerne plus.
Enfin, * Rex me demande de verser 500 000 francs
à Ali, un réseau de renseignements dont j’ignore tout.
Je suis effrayé de verser une telle somme à des
inconnus, tant j’ai peu d’argent pour la Résistance.
Je me souviendrai longtemps de ce jour : tout le
monde me demande d’expédier des câbles à Londres
pour avertir que c’est peut-être la fin de la Résistance
si elle n’est pas aidée ; ou le début de la victoire si
des armes et de l’argent sont envoyés en masse.
*Rex n’a rien prévu avant son départ et demeure
muet, tandis que je me fais insulter par les mouvements : comment ai-je l’affront de me réfugier
derrière l’absence d’ordres, alors que la Libération
commence ? Plus que jamais, je suis un traître.
Afin de m’inciter à leur verser l’argent qu’ils réclament, les adjoints des chefs, * Lorrain et Copeau, me
montrent les télégrammes expédiés à Londres par
leurs chefs. * Lorrain, que je vois d’abord, m’en fait
voir un qui signale la prise de maquis par un groupe
d’ouvriers désignés pour la déportation :
[…] pouvons largement développer cet exode et
créer groupe francs-tireurs pour action immédiate. Demandons deux millions mensuels etenvois massifs armement — Réponse urgente.
Signé Nef [Frenay].
Copeau, lors de notre rendez-vous, me montre les
télégrammes envoyés aujourd’hui par les Mouvements
unis de la Résistance à de Gaulle :
[…] français déportés considèrent abandonnés
par Alliés réfugiés Alpes, Massif central, Cévennes,
Jura — Organisons mouvements sommes arrêtés
moyens financiers ridicules. […] Sans grands
moyens action organisation réfractaire déportation passera mains communistes votre autorité
opinion française complète sera rapidement sapée
si ne manifestez pas par notre intermédiaire dans
lutte Libération commencée. […] Si nos appels
inutiles ordonnerons action désespérée à outrance.
Sans que j’y prenne garde, les jours précédents
étaient annonciateurs de cet excès de violence et
d’incertitude.
Schmidt me montre un télégramme de Libération
adressé au général de Gaulle par Frenay ce même
jour :
[…] en deux mois attend votre mot d’ordre
résistance totale et violente — Avons décidé passer je dis passer action immédiate — Avons espoir
entraîner mouvements unanimes désobéissance
et révolte. Demandons aide argent et armes.
Est-ce parce qu’il est le dernier responsable de la
journée ou à cause de sa modération ? En tout cas,
cette fois, je me mobilise et décide d’expédier moi-même un télégramme à * Rex pour attirer son attention sur une situation bien différente de celle qu’il a
connue avant de partir :
Situation évolue façon imprévisible depuis
8 jours. Déportation intensive des jeunes et des
ouvriers vers l’Allemagne. Menacent d’anéantissement les Mouvements ZNO et ZO ainsi que l’AS.
Tous hommes jusqu’à trente et un ans et ouvriers
tout âge touchés par nouvelles mesures.
Je termine par
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