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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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concierge
comme un camarade de Lyon passant ses vacances
à Paris. Nous sommes d’une génération voisine :
c’est donc plausible. Pourtant, quand il me voit, je
remarque son incrédulité. Pour lui, cette éclatante
jeune fille profite de l’absence de ses parents et
du désordre de l’Occupation pour inviter un jeune
homme inconnu à dormir chez elle. Son sourire
complice montre qu’il n’est pas dupe.

    En m’installant, je comprends les regrets des
parents de Suzette, qui vivent entassés à Lyon. Je
mesure aussi leur abnégation à tous les trois : je ne
les ai jamais entendus se plaindre de l’inconfort
de leur exil lyonnais, ni rechigner à l’exécution des
besognes les plus humbles. Depuis ma première
visite, ils devancent mes exigences, comme s’ils n’en
faisaient jamais assez.

    Le sourire du concierge confirme en l’amplifiant
le sentiment de sécurité que j’éprouve en compagnie de Suzette. Tout le monde nous prend pour un
couple d’amoureux. En dépit de cet avantage, je
comprends aussi que ce confort comporte un
inconvénient : celui d’habiter avec Suzette, plus en
danger que moi par son activité (transport d’argent,
de documents, de postes radio, etc.). Tous les jours,
en traversant la ligne de démarcation, elle est à la
merci du moindre contrôle.

    Je dois déménager au plus vite.

    Samedi 27 mars 1943

     

    Le mirage du passé

    Mon premier rendez-vous à Paris est avec Jean
Ayral. Il n’a pas changé depuis notre parachutage
au-dessus de Montluçon : toujours la même allure
d’étudiant athlétique et juvénile.

    Heureux de me revoir, il m’emmène déjeuner dans
un bistrot de la rue du Bac. Je lui explique ma perplexité de devoir tout recommencer à zéro dans cette
ville démesurée. Il répond au plus pressé  : « J’ai deux
filles épatantes, * Violaine etClaire 2 . Elles s’occupent
de trouver des locaux de toute nature pour mon service. Donne-leur la liste de tes besoins. Quant à toi, je
te conseille de trouver ta piaule toi-même. Comme
ça, elle sera inconnue de tous. »

    Je l’interroge sur ses relations avec les mouvements
de zone nord : « Les chefs sont insupportables ; les
“gens de Londres”, comme ils disent, sont leur bête
noire. En province, pour le travail, ça dépend des
hommes. Dans l’ensemble, c’est bordélique : ils ne
viennent pas aux rendez-vous et n’accomplissent pas
les tâches qu’on leur demande. Bref, on ne peut
compter sur personne. De plus, si tu veux aller en
tôle, avec eux tu prends un raccourci.

    — Je connais déjà.

    — Et pourtant, ça marche quand même ! On le doit
à des innocents increvables  : une poignée de filles et
de garçons prêts à tous les sacrifices. Pour le reste,c’est comme en zone sud : trémolos, promesses,
néant… »

    Je lui explique mon problème de transmission et
lui demande un rendez-vous avec Briant pour écouler le trafic de * Rex. Il me raconte alors les déboires
de notre camarade avec son poste au début : il fonctionnait parfaitement à Clermont-Ferrand, mais
était devenu muet à Paris, jusqu’au jour où Londres
a expédié de nouveaux cristaux.

    « Je dois le rencontrer demain, dans la matinée.
Il est très occupé en ce moment par une masse de
câbles en retard. Est-ce que le 6 avril te convient ? »
Après mon accord, il fixe le rendez-vous sous la
tour Eiffel.

    Au détour de la conversation, il m’apprend qu’il n’a
jamais reçu les trois postes parachutés par le BCRA
pour lui en zone sud et que je lui avais expédiés à
Paris, par l’intermédiaire de Van Dievort. Celui-ci les
avait pourtant déposés à l’adresse indiquée. Lorsque
Ayral était venu les réclamer, le dépositaire nia les
avoir reçus et Ayral m’avait écrit un billet rageur.

    Philosophe, il hausse les épaules : « Après la guerre,
j’écrirai “Les Mystères de la Résistance”. Mais, ce
n’est pas le plus tragique. »

    Je reviens aux mouvements de zone nord. Leur
fonctionnement me semble plus inconnu, après huit
mois en zone sud, que le jour de mon départ de
Londres. Ce que m’ont révélé * Morlaix ou * Rex ne
me rassure guère.

    *Rex m’a indiqué que, présidant le Conseil de la
Résistance, il fera le va-et-vient entre Lyon et Paris.
Périodiquement, je serai donc seul face aux chefs.
Vais-je revivre les humiliations — que je raconte
à Ayral, amusé — de Lyon durant l’absence du
patron ? Sont-ils aussi hostiles à * Rex

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