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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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le
bateau français le Meknès , quittant l’Angleterre, a
été coulé par les Allemands. Il était chargé de mille
cinq cents soldats et civils français ayant choisi de
rentrer en Afrique du Nord. On compte quatre cent
cinquante noyés. C’est ce même bateau qui avait
amené en Angleterre les chasseurs alpins de Norvège
et quelques-uns de mes camarades bretons !

    Comme après Mers el-Kébir, je n’ai aucun chagrin pour les morts. Leur défection est impardonnable : je regrette seulement qu’ils ne se soient pas
tous noyés. Leur refus de combattre pour délivrer
la France mérite le châtimentsuprême 6 .

    Je note dans mon cahier :

Faire la guerre n’est plus que cela : attendre.
Attendre la relève, attendre les lettres, attendre la
soupe, attendre le jour, attendre la mort… et tout
cela à son heure : il suffit d’attendre (Roland
d’Orgelès [ sic ]).

    Dimanche 28 juillet 1940

     

    Alerte et instruction

    Ce soir, nous vivons notre première alerte aérienne.

    Delville Camp est situé à deux kilomètres à vol
d’oiseau de la piste d’envol de l’aérodrome militaire
de Farnborough. Depuis notre arrivée, nous entendons le va-et-vient des avions atterrissant à notre
gauche ou décollant à notre droite. C’est une cible
de choix pour les Allemands.

    Pour la plupart d’entre nous, c’est le baptême du
feu. Les officiers nous font sortir de nos barracks et
rejoindre, en rangs et en silence, les tranchées creusées aux abords immédiats par les Canadiens. Cela
nous rappelle que l’Angleterre est une forteresse assiégée et que notre première mission est de la défendre.

    Loin de la capitale, le décor champêtre propice
aux grandes vacances et le temps radieux de l’été
1940 nous masquent la réalité dramatique. Sous le
commandement d’officiers souvent aussi jeunes que
nous, notre entraînement a des allures de « grand
jeu ».

    C’est pourquoi les bombes qui arrosent la campagne alentour nous paraissent inoffensives. C’est
ça la guerre ?

    Mardi 30 juillet 1940

     

    « En cas d’accident »

    À la suite du recensement de notre bataillon, les
officiers nous demandent l’adresse de nos familles
ou de la personne à prévenir, « en cas d’accident ».

    À cette occasion, j’écris une lettre, courte et sans
grandiloquence. Je remercie ma mère de m’avoir
donné la vie que je sacrifie à la France ; ma grand-mère pour l’enfance heureuse qu’elle a protégée ;
mon beau-père parce qu’il m’a permis de choisir
mon destin en quittant la France.

    Tandis que je lègue mes affaires à ma famille, je
prescris à ma mère de remettre mon journal à
Domino. Je n’ose lui avouer que ma dernière pensée serait pour cette jeune inconnue… C’est ce que
j’écris à Domino dans une lettre accompagnant
celle à mes parents.

    Cet après-midi, l’âme du bataillon rejoint durant
quelques heures son passé, en France.

    Mercredi 31 juillet 1940

     

    Delville, quotidien de l’exil

    Cadre immuable de mon existence : à 6 heures, le
clairon me réveille tandis que mon chef de groupe,
le sergent Goudenove, entre dans la chambrée en
criant : « Debout là-dedans ! » Il arpente l’allée centrale en secouant nos lits.

    Les chasseurs désignés la veille pour la corvée de
« jus » s’habillent en hâte et partent aux cuisineschercher pain et café. Pendant ce temps, après
avoir plié couvertures et matelas, nous nous précipitons aux lavabos pour une toilette sommaire.

    Revêtus d’un flottant et d’un tee-shirt pour l’instruction physique, nous avalons le casse-croûte. Le
sergent nous entraîne alors à la queue leu leu courir
entre les barracks , en sautant par-dessus les
tranchées-abris. Après dix minutes à ce rythme,
nous revenons nous changer afin d’être au pied de
nos lits à 7 heures en tenue d’exercice.

    Cette première séquence de la journée s’effectue
dans la bousculade : certains chasseurs couchés tardivement éprouvent quelque difficulté à s’éveiller.
Pour moi au contraire, c’est un moment euphorique  :
l’internat m’a habitué à me lever et à me coucher
tôt. Le miracle se répète chaque jour.

    À 7 heures précises, le lieutenant pénètre dans la
chambrée pour l’inspection. Nous attendons au garde-à-vous au pied de nos lits, équipés pour l’exercice.
Saulnier, complexé par son visage d’adolescent, prend
un air sévère en passant lentement dans l’allée

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