Amours Celtes sexe et magie
surtout dans une vieille habitude qu’on retrouve souvent citée dans la littérature irlandaise ou galloise de singulariser les héros d’après le nom de leur mère et non celui de leur père . C’est ainsi que le roi d’Ulster, Conchobar, est dite « fils de Ness » a et non pas « fils de Cathba », le druide qui est son père biologique. Gwyddion et Arianrod, célèbres dans la tradition galloise, sont fils et fille de Dôn, l’un des visages de la déesse des Commencements que les Gaëls d’Irlande appellent Anu ou Dana, et qui a donné son nom aux « tribus de la déesse Dana », les fameux Tuatha Dé Danann. Quant au héros d’Ulster, Sétanta, plus connu comme Cûchulainn, il est le fils de Dechtire, sa mère, sans qu’on sache trop bien qui est son véritable père. Il semble qu’il y ait là les vestiges d’une époque où prévalait la succession matrilinéaire. C’est d’ailleurs encore visible dans les épopées du XII e siècle du cycle arthurien : le roi Arthur a son successeur désigné dans Gauvain, son neveu, fils de sa sœur, et il en est de même pour Tristan, héritier normal du roi Mark, son oncle, frère de sa mère. C’est dire l’importance exceptionnelle de la femme dans les sociétés celtiques et celles qui en ont pris la suite.
Car la femme, qu’elle fût mariée ou non, avait accès à des fonctions très diverses, allant de l’éducation des enfants et de la gestion économique de la famille aux responsabilités politiques et même religieuses. Certes, on n’a aucune preuve de la réalité de ces « druidesses » dont parlent Chateaubriand et les écrivains romantiques, mais il est certain qu’elles pouvaient appartenir à la classe sacerdotale en tant que prophétesses ou magiciennes. Le christianisme si particulier qui s’est instauré dans les îles Britanniques admettait les femmes à certaines formes de culte religieux. D’après des témoignages historiques dignes de foi, elles participaient à la célébration de la messe, pratique d’ailleurs dénoncée par les évêques continentaux d’obédience strictement romaine. Et il existait des monastères doubles d’hommes et de femmes, comme celui, plus ou moins légendaire, de Kildare, fondé par sainte Brigitte, où étaient entretenus des feux perpétuels, ce qui n’est pas sans rappeler certains rites païens, notamment ceux qui, à Bath, dans l’île de Bretagne, avaient été institués en l’honneur de la déesse Sul, autrement dit de la divinité solaire féminine qui, depuis les temps les plus reculés, survole toute la tradition celtique.
Car il apparaît clairement, quand on étudie les différentes civilisations qui se sont succédées sur la surface de la terre, qu’une tradition primordiale ait attribué à la femme un rôle qu’elle a perdu au fil des siècles. Toutes les religions qui ont précédé le christianisme ont présenté des « déesses » à l’adoration des fidèles, et il est probable que dans les temps les plus lointains ces déesses occupaient la première place, en vertu du fait que c’est la femme qui donne naissance à l’enfant et que le rôle du géniteur masculin est rien moins qu’ignoré de la mentalité primitive. L’histoire des déesses est parallèle à celle de la femme dans les sociétés anciennes : à mesure que ces sociétés abandonnaient leur organisation gynécocratique , les cultes féminins sont devenus masculins, la lutte d’Apollon contre le serpent Python – de nature féminine –, et sa victoire définitive, en étant le symbole le plus éclatant.
Mais la mémoire ancestrale n’a rien oublié : « Les grandes époques patriarcales conservent dans leur mythologie le souvenir d’un temps où les femmes occupaient une situation très haute » (Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe ). C’est flagrant dans les langues celtiques – et germaniques – où le soleil est du genre féminin, contrairement à ce qui se passe dans les langues méditerranéennes. Car la religion druidique, qui était celle de tous les peuples celtes, renferme bien des vestiges des époques antérieures, des cultes féministes devenus parfois « folkloriques » et des images de déesses en grand nombre, tant sur les monuments figurés de l’époque romaine en Gaule et en Grande-Bretagne que dans les récits épiques irlandais et gallois.
Mais ces déesses, qui ne sont en fait que des figurations concrètes et fonctionnelles d’une
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