Amours Celtes sexe et magie
de plus en plus épuisé, le roi retombe dans un lourd sommeil. « Tandis qu’il dormait, Sin se leva et arrangea les épées et les javelots des guerriers devant les portes, les pointes tournées vers l’intérieur. Elle forma par magie des foules nombreuses réparties autour de la forteresse. Elle rentra elle-même à l’intérieur des murailles et jeta du feu partout, sur les remparts et sur la maison royale. Puis, elle se remit au lit. » Les intentions meurtrières de Sin sont alors plus qu’évidentes. Elle prépare tout ce qui est nécessaire pour provoquer la mort tragique de Muirchertach.
Cependant, le roi se réveille, effrayé par le tumulte qui se produit autour de lui. Sin prétend alors que ses ennemis sont là, prêts à se venger sur lui de la défaite qu’ils ont subie à la bataille de Granard (117) . Muirchertach se lève en hâte et cherche ses armes, mais il ne les trouve pas. Sin bondit hors de la maison et le roi la suit, complètement égaré. Il rencontre des guerriers qui le heurtent si violemment qu’il est obligé de rentrer. Désespéré, il s’étend sur son lit. Mais le feu crépite sur la toiture. Il se précipite à nouveau et cherche une issue. Il n’en trouve pas. Alors, « il attrapa un casque rempli de vin et le versa sur sa tête pour se protéger du feu. Mais le feu tomba sur lui : cinq pieds de son corps furent brûlés, et le vin protégea le reste. »
Le lendemain matin, les clercs découvrent le corps à demi brûlé de Muirchertach au milieu des ruines de la forteresse. Ils préviennent l’abbé Cairnech et celui-ci, très chagriné, transporte lui-même le corps jusqu’à Tuilen. Là, la reine Duaibsech meurt de douleur en voyant ce triste spectacle. Cairnech fait ensevelir la reine dans une tombe et le roi « près de l’église, du côté nord », c’est-à-dire dans l’endroit réservé aux mécréants et aux excommuniés. Mais cela n’empêche pas Cairnech de composer une prière pour demander à Dieu le pardon des fautes qu’a commises Muirchertach et de faire l’éloge des hauts faits passés du roi.
On pourrait croire que tout est fini. Mais, « quand les clercs eurent procédé à l’enterrement, ils virent venir à eux une femme solitaire, belle et resplendissante, drapée dans un grand manteau orné de franges d’or, une chemise de soie de grand prix sur sa peau. Elle atteignit l’endroit où se trouvaient les clercs et les salua. Eux-mêmes, ils la saluèrent. Ils virent qu’elle avait l’air triste et désemparé, et ils reconnurent que c’était la fille qui avait conduit le roi à sa perte. » Cairnech lui demande alors qui elle est et pourquoi elle a agi de la sorte. La fille lui révèle son nom et explique qu’elle a voulu venger la mort de son père, de sa mère et de sa sœur, tués par Muirchertach à la bataille de Cerb, sur la Boyne, ainsi que la perte de nombreux parents et amis. Mais elle manifeste son chagrin en un émouvant chant de déploration :
Je mourrai moi-même de chagrin pour lui,
le noble roi de l’ouest du monde,
sous le poids des tristes souffrances
que j’ai portées sur le souverain d’Irlande.
J’ai composé pour lui un poison, hélas !
Il a empoisonné le roi des nobles troupes…
Alors Sin se confesse à Cairnech et « là, aussitôt, elle mourut de douleur pour le roi ». Cairnech ordonne à ses moines de creuser une tombe pour Sin et de la recouvrir de gazon (118) . Ainsi disparaît cet étrange personnage de Sin au nom évocateur, magicienne héritière des anciennes pratiques druidiques, mais réconciliée avec le Dieu des chrétiens, après avoir accompli, malgré l’amour sincère qu’elle portait au roi, la vengeance que le destin lui imposait.
La putain royale
Vers les années 1200, un Gallois, Giraud de Cambrie, entreprend une sorte de voyage d’études dans les territoires régis par les Plantagenêt, surtout la Grande-Bretagne et l’Irlande. Il en rapporte des chroniques qui sont parfois très surprenantes. C’est ainsi qu’il est amené à décrire – en langue latine – une pratique rituelle encore en vigueur à l’époque dans une tribu gaélique d’Irlande du Nord, qu’il ne précise malheureusement pas, sauf pour dire que cela se passe aux environs de la ville de Kenelcunill. Mais ce qu’il prétend avoir vu n’en est pas moins révélateur de la tradition archaïque qui se maintenait chez des Celtes, pourtant déjà christianisés depuis
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