Amours Celtes sexe et magie
cette île, a commencé sa carrière en tant qu’esclave d’un druide, au temps de son adolescence, quand il avait été fait prisonnier par les Gaëls (112) , à la fin du IV e siècle.
Cependant, en revenant vers son monastère, Cairnech rencontre des ennemis de Muirchertach qui désirent conclure la paix avec le roi d’Irlande. Il accepte de les accompagner pour sanctionner le traité. Mais Sin interdit à Cairnech de pénétrer dans la forteresse et le roi est obligé d’en sortir pour prononcer le serment de fraternité avec ses ex-ennemis. Tous s’en retournent et le roi peut enfin s’occuper de Sin. Visiblement, cette fille mystérieuse excite son désir, mais elle l’intrigue également au plus haut point : « Il lui posait des questions, car il lui semblait que c’était une déesse très puissante. » Il finit par lui demander si elle croit au « dieu des clercs », et elle répond par un étrange poème :
« Je crois au même vrai Dieu,
sauveur de mon corps contre les attaques de la mort.
Mais il ne peut faire un miracle en ce monde
que je ne puisse l’accomplir aussitôt.
Je suis la fille d’un homme et d’une femme
de la race d’Ève et d’Adam.
Je suis bien disposée envers toi
pourvu que le remords ne te prenne pas.
Je peux créer un soleil, une lune,
des étoiles radieuses.
Je peux créer des hommes cruels,
guerriers implacables.
Je peux, sans mentir, faire du vin
de l’eau de la Boyne, comme je peux former
des moutons des rochers
et des cochons des fougères.
Je peux faire de l’argent et de l’or
en présence de grandes foules,
je peux créer des hommes fameux
pour toi, maintenant, je le dis… »
Après cette profession de foi, qui n’est guère orthodoxe, le roi lance une sorte de défi à Sin : « Fais-nous quelque chose de tes grands miracles. » La fille n’hésite pas. Elle « s’avança et fit ranger des troupes égales, aussi fortes et bien armées l’une que l’autre. Et il leur sembla qu’il n’y avait jamais eu sur terre de troupes plus vaillantes et plus braves, car l’une d’elles attaqua l’autre et la vainquit en quelques instants en présence de tous. » Tout cela relève d’une sorte de magie végétale dont on a des traces dans toutes les traditions celtiques : la possibilité d’utiliser l’énergie contenue dans le végétal et de donner aux arbres l’apparence humaine, comme dans le fameux poème attribué au barde gallois Taliesin, le Cat Goddeu (113) .
Cependant, ce n’est pas tout. Voulant assurer davantage son emprise sur le roi et tous ceux qui sont présents autour de lui, Sin fait remplir trois baquets de l’eau de la Boyne et y jette un charme. « Il sembla au roi et à ses compagnons qu’ils n’avaient jamais bu de vin meilleur et en qualité. Puis, avec de la fougère, elle forma des cochons par enchantement. » Muirchertach et ses compagnons se partagent les cochons et le vin en un festin extraordinaire. On ne précise pas si, cette nuit-là, Muirchertach satisfait le désir qu’il a de Sin, mais le matin suivant, le roi et tous ceux qui ont participé au festin se sentent tout faibles. On le serait à moins puisque tout cela n’était qu’illusion et qu’en réalité, les convives n’ont rien bu ni mangé.
On trouve quelque chose d’analogue dans la relation, en principe historique, des faits reprochés par le concile d’Épernay, en 1148, à l’étrange personnage d’Éon de l’Étoile, moine illuminé et magicien, qui sévissait à l’époque en forêt de Brocéliande et qui y créa une véritable secte classée comme hérétique. Tous ceux qui sortaient de sa table, pourtant richement pourvue, se sentaient l’estomac vide et tombaient presque d’inanition (114) . Mais peut-être qu’après tout, ce mystérieux Éon de l’Étoile était-il le lointain héritier des druides, ou du moins des « sorcières » du genre de Sin.
Cette fatigue du roi, qui doit être également causée par ses ébats de la nuit, ne l’empêche nullement de demander à Sin de lui montrer d’autres prodiges. « Alors Sin prit des pierres et en fit des hommes bleus. Puis, avec d’autres pierres, elle fit des hommes à tête de bouc. Ainsi, il y eut quatre grandes troupes d’hommes en armes devant Muirchertach dans la plaine de la Brug. Muirchertach prit alors ses armes et ses vêtements de combat et se précipita sur eux, rapide et coléreux comme un taureau. Il en tua et en
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