André Breton, quelques aspects de l’écrivain
vers tout ce qui doit faire aigrette au bout de mes doigts. » (L'Amour fou.)
«J'avoue sans la moindre confusion mon insensibilité profonde en présence des spectacles naturels et des œuvres d'art qui d'emblée ne me procurent pas un trouble physique caractérisé par la sensation d'une aigrette de vent aux tempes susceptible d'entraîner un véritable frisson.» (Ibid.)
«À la pointe de la découverte, un très fin pinceau de feu dégage et parfait comme rien autre le sens de la vie.» (Ibid)
«Il va (le poète surréaliste) porté par ces images qui le ravissent, qui lui laissent à peine le temps de souffler sur le feu de ses doigts. C'est la plus belle nuit, la nuit des éclairs: le jour, auprès d'elle, est la nuit.» (Premier manifeste.)
Au sommet de toute son esthétique, Breton, comme on sait, a placé l'image. À peine essaie-t-il de préciser les conditions de son efficacité que, de nouveau, le courant passe :
«C'est du rapprochement en quelque sorte fortuit de deux termes qu'a jailli une lumière particulière, lumière de l'image, à laquelle nous nous montrons infiniment sensibles. La valeur de l'image dépend de la beauté de l'étincelle obtenue : elle est par conséquent fonction de la différence de potentiel entre les deux conducteurs...
«...Et, de même que la longueur de l'étincelle gagne à ce que celle-ci se produise à travers des gaz raréfiés, l'atmosphère surréaliste créée par l'écriture mécanique... se prête particulièrement à la production des plus belles images.» (Premier manifeste.)
L'«Introduction au discours sur le peu de réalité» lui est l'occasion d'une déclaration liminaire sans ambages :
«"Sans fil", voici une locution qui a pris place trop récemment dans notre vocabulaire, une locution dont la fortune a été beaucoup trop rapide pour qu'il n'y passe pas beaucoup du rêve de notre époque; pour qu'elle ne nous livre pas une des très rares déterminations spécifiques nouvelles de notre esprit...»
...du nôtre, certes, mais combien davantage de celui de Breton. Pourquoi, sans la conscience qu'il a de généraliser abusivement une très intime particularité, éprouverait-il aussitôt après le besoin de s'excuser de sauter le pas :
«...Télégraphie sans fil, téléphonie sans fil — imagination sans fil, a-t-on dit. L'induction est facile, mais selon moi elle est permise aussi...»
Une contamination aisée à comprendre conduit de la conscience obscure de l'influx continuel à l'idée de l'appareil émetteur et récepteur d'ondes, et de l'appareil enregistreur. La conscience, et particulièrement la conscience poétique, ne saurait guère se reconnaître pour Breton d'autres «correspondances» :
«Le cœur humain, beau comme un sismographe.» (Nadja.)
«Nous, qui nous sommes faits... les modestes appareils enregistreurs qui ne s'hypnotisent pas sur le dessin qu'ils tracent...» (Premier manifeste.)
Observons maintenant la métamorphose, on ne peut plus idiosyncrasique chez Breton, de l'image baudelairienne du «phare»...
«Le poète... porté par la vague de son temps... assumera pour la première fois sans détresse la réception et la transmission des appels qui se pressent vers lui du fond des âges» (Les Pas perdus).
...et des «chaînes d'or d'étoile à étoile» de Rimbaud :
«Je souhaite qu'il ne passe (le surréalisme) pour avoir tenté rien de mieux que de jeter un fil conducteur entre les mondes par trop dissociés de la veille et du sommeil, de la réalité extérieure et intérieure, de la raison et de la folie...» (Les Vases communicants.)
Nous noterons, en passant, avec quelle énergie ce «fil conducteur» vient à propos ici dynamiser la métaphore des «Vases communicants» beaucoup trop inerte pour être authentique chez Breton, pour n'avoir pas, elle aussi, à être «galvanisée». Glanons maintenant au passage, dans le même livre, cet autre aveu révélateur — auquel le «par hasard» ajoute un piquant certain, et qui souligne...
«...l'étonnante puissance de suggestion dont certains objets presque usuels se trouvent, par hasard, disposer — n'en prendrais-je pour exemple que l' électroscope à feuilles d'or — qui ne contribue pas peu à passionner pour les enfants l'étude de la physique 4 .» (L'Amour fou.)
Voici maintenant le symbole de la foudre jovienne, que Breton retrouve tout
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