André Breton, quelques aspects de l’écrivain
marchent l'un près de l'autre constituent une seule machine à influence amorcée. La trouvaille me paraît équilibrer tout à coup deux niveaux de réflexion très différents» (de nouveau on voit l'image des «vases communicants» «surdéterminée» ici par l'image infiniment plus subjuguante du courant qui passe — J. G.) «à la façon de ces brusques condensations atmosphériques dont l'effet est de rendre conductrices des régions qui ne l'étaient point et de produire des éclairs.» (L'Amour fou.)
«Nous la reconnaissons sans peine (l'inspiration)... à cette sorte de court-circuit qu'elle provoque entre une idée donnée et sa répondante... En poésie, en peinture, le surréalisme a fait l'impossible pour multiplier les courts-circuits» (Deuxième manifeste.)
et c'est bien encore, semble-t-il, l'image énergétique sous-jacente de l'«étincelle qui jaillit» qui rend aussitôt après toute sa vigueur à cette métaphore empruntée à la chimie.
«...le rôle catalyseur de la trouvaille.» (Ibid.)
Répulsions et attractions électives caractérisent le jeu de la vie affective. L'assimilation, souvent inconsciente, aux phénomènes magnétiques et électriques est parfois expressément soulignée — elle «va de soi» toujours. Le désir est identifié au «courant». Les échanges intellectuels eux-mêmes sont sous sa dépendance.
«Plus que jamais, les courants d'antipathie et de sympathie ne paraissent de force à se soumettre les idées.» (Arcane 17.)
Voici une autre conséquence de la bipolarité :
«La sympathie qui existe entre deux ou plusieurs êtres semble bien les mettre sur la voie de solutions qu'ils poursuivaient en vain séparément» (L'Amour fou.)
et la galvanisation par l'image mère des grands thèmes de Breton : la poésie...
«Pour rester ce qu'elle doit être, conductrice d'électricité mentale, il faut avant tout qu'elle se charge en milieu isolé» (Arcane 17.)
...la liberté :
«La liberté humaine... appelée à étendre même en d'infinies proportions le champ de réceptivité de tous» (Ibid.)
...l'amour :
«...l'amour réciproque est le seul qui conditionne l' aimantation totale.» (Ibid.)
On serait presque tenté de trouver de tels exemples trop explicites — si le génie de Breton n'était de porter constamment l'extrême conscience au sein des états de grande préférence les plus éperdus. Regardons pourtant la même image force de charge électrique orienter subtilement, entre tant d'autres, telle phrase de Nadja sur...
«L'indéterminable coefficient affectif dont se chargent et se déchargent au long du temps les idées les plus lointaines qu'on songe à émettre» (Nadja.)
et nous ne pourrons pas ne pas nous convaincre que cette aimantation ininterrompue dont chaque page de Breton garde la trace constitue vraiment la «ligne de force» majeure d'une imagination qui coïncide avec elle sur toute sa longueur et se présente grâce à elle comme extraordinairement vertébrée.
On aurait tort de croire qu'une constante motrice si accentuée se borne à orienter les images, à donner couleur et mouvement à un style qui les utilise avec profusion. Il faut ici revenir à cette notion d'osmose si suggestive d'une structure mentale où l'on chercherait en vain les cloisons étanches qui passent pour compartimenter habituellement les diverses activités spirituelles. Poète et théoricien, Breton est toujours l'un et l'autre à la fois, et c'est ce qui donne à ses principaux ouvrages un caractère si embarrassant pour les classificateurs littéraires : on surprend à chaque instant chez lui la naissance de la pensée théorique au sein d'une image qui tend à s'élucider, de l'image au sein d'une pensée qui insensiblement se fait sommation poétique concrète. Avec ce mouvement dialectique qui dévore les pages de Nadja, de L'Amour fou, des Vases communicants, du Manifeste, d' Arcane 17, on voit pour la première fois peut-être dans nos lettres la réflexion lucide et l' éveil poétique spontané se bousculer et se poursuivre, selon, le jeu de cette polarisation indéfinie si déterminante de l'activité de l'esprit qui nous préoccupe. L'art poétique aspirant à s'épanouir en poème, le poème constamment gros de la volonté d'élucider ses propres moyens, se poursuivent en mélodieuse et onduleuse sarabande pour faire de chacun de ces livres — vraiment
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