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André Breton, quelques aspects de l’écrivain

André Breton, quelques aspects de l’écrivain

Titel: André Breton, quelques aspects de l’écrivain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Julien Gracq
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naturellement pour concrétiser la toute-puissance, subtilement aimanté par l'approche Je ses propres «champs magnétiques» :
     
    «Le surréalisme est le rayon invisible qui nous permettra un jour de l'emporter sur nos adversaires» (Premier Manifeste.)  
     
    ... et, plus subtilement encore, converti à son tour en un faisceau magnétique, une gerbe de forces — de «lignes de force» — qu'il serre contre son cœur :
     
    «...Cette royauté sensible qui s'étend sur tous les domaines de mon esprit, et qui tient ainsi dans une gerbe de rayons à portée de la main.» (L'Amour fou.)  
     
    Aussi éloignée que possible, chez cet écrivain authentique, du cliché plaqué et aveuli dont Léon Bloy se gausse à propos de Zola, reparaît là dans toute sa nouveauté l'image motrice du «coup de foudre».
    Voici encore, naturellement, l'idée force du dynamisme tellurique, du globe irradiant sans obstacle la conscience d'un flot de courants magnétiques :
     
    «Jamais le magnétisme terrestre, dont la considération entraîne à placer un des pôles aimantés dans l'esprit de l'homme et l'autre dans la nature, n'a été mis si implacablement en évidence.» (L'Amour fou.)  
     
    Voici le sourcier des courants magnétiques :
     
    «Je regrette d'avoir découvert si tard ces zones ultrasensibles de la terre.» (Ibid.)  
     
    À cette même «disposition de l'esprit par rapport aux choses» se rattache indubitablement l'intérêt de Breton pour les objets « à halo » (le « halo » pouvant passer pour objectiver très suffisamment un potentiel magnétique) auxquels est consacré tout un chapitre de L'Amour fou. Et voici, dans une image synthétique des plus remarquables (il faudrait citer toute la page) — vraiment panique — ces influx magnétiques à leur tour renvoyés à travers la nature physique comme un courant induit par l'intermédiaire de cette machine électrique à haute tension qu'est la sensibilité humaine :
     
    «Mais quelle est donc cette herbe d'énigme... Le bruit court, plus léger qu'une onde sur elle, que c'est la sensitive... Un contact qui n'en a pas même été un pour nous, un contact involontaire avec un seul rameau de la sensitive fait tressaillir en dehors de nous comme en nous tout le pré. Nous n'y sommes pour rien, ou si peu, et pourtant toute l'herbe se couche. Mais pour peu que nous nous arrêtions, l'herbe va reverdir, elle va renaître... D'une branche à l'autre de la sensitive — sans craindre de violer les lois de l'espace et bravant toutes les sortes d'anachronismes — j'aime à penser que l'avertissement subtil et sûr, des tropiques au pôle, suit son cours comme du commencement du monde à l'autre bout. J'accepte, sur mon passage, de découvrir que je n'en suis que la cause insignifiante. Seul compte l'effet universel, éternel; je n'existe que pour autant qu'il est réversible à moi.» (L'Amour fou.)  
     
    Nous ne nous étonnerons plus que le désarroi de la conscience appelle quasi automatiquement — toute vulgarité cessante — l'image de la boussole.
     
    «Ici l'aiguille aimantée devient folle. Tout ce qui indique obstinément le nord désert ne sait plus où donner de la tête devant l'aurore.» (L'Amour fou.)  
     
    Réduits à leur essence la plus dépouillée — les objets du monde physique — même si la science ici lui donne raison — ne sauraient se réduire pour Breton qu'à une force pure d'attraction magnétique. Vivants — inanimés — peu importe...
     
    «...Il ne s'agit pas de reproduire un objet, mais la vertu de cet objet au sens ancien du mot. Pour très simple qu'elle soit, une vue de cet ordre bouleverse l'univers : les microbes, qu'on tient pour des animaux, font avant tout figure de forces, de même que les émanations astrales.» (Les Pas perdus.)  
     
    Et il n'en va, au fond, pas différemment pour le monde social. Un personnage vraiment vivant comme le Moine de Lewis sera toujours «moins un personnage qu'une tentation (lisons : une attraction — J. G.) continue». Le flux électrique passe, la bipartition du positif et du négatif fait tourbillonner selon ses lois fatales la limaille humaine aimantée, le ciel mental est strié des lueurs continues des coups de foudre, de ces «éclairs qui feraient voir, mais voir, s'ils n'étaient encore plus rapides que les autres». La «révélation» que Breton place si haut, est avant tout décharge électrique brusque.
     
    «Je serais tenté de dire que les deux individus qui

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