Antidote à l'avarice
circonstances. À moins que les assaillants ne trébuchent tout seuls, ils étaient parfaitement conscients que leur projet optimiste de s’en débarrasser deux par deux n’avait pas la moindre chance d’aboutir.
Le capitaine se jeta sur son homme dès qu’il fut assez près et lui porta un coup de taille. La blessure qui en résulta – à peine plus qu’une égratignure – aurait pu décourager un opposant plus faible, mais celui-ci était plus aguerri qu’il n’y semblait. Le capitaine attaqua à nouveau et rencontra une défense digne de lui. Désormais prévenu, son adversaire se battait avec hargne : tout espoir d’en finir rapidement s’était envolé.
L’homme de gauche n’était pas de même force que le sergent mais, quand il tomba en saignant abondamment, deux comparses surgirent pour le remplacer. Puis un nouvel attaquant vint de la droite et bondit sur le capitaine alors qu’il parait un coup porté par son premier adversaire. Il était perdu.
Yusuf avait laissé Naomi avec sa maîtresse, puis il était monté dans un arbre pour voir ce qui se passait. Quand il eut compté les silhouettes dans le bois ou à découvert dans la clairière, il sauta à bas de l’arbre, retomba dans les feuilles mortes et courut vers les chariots. Il n’avait pas de projet précis, mais il savait que des armes étaient rangées dans le chariot à bagages, faciles à prendre pour qui savait exactement où elles se trouvaient. Et il voulait être armé.
Il dénoua la corde qui enserrait la toile protectrice et la jeta par terre. Des épées étaient cachées là : il en tira une et l’essaya. Elle était trop longue et trop lourde pour sa main. À sept ans, il maniait parfaitement l’épée d’enfant que son père lui avait offerte, mais il n’avait pas le temps d’apprendre à se servir de celle-ci. Il la rangea, sortit une lance longue et robuste à la pointe acérée, remit la toile en place et partit en courant.
Parmi les autres bruits de la bataille, le capitaine eut à peine conscience du cheval qui galopait dans sa direction. Juste avant que le coup qui lui était réservé ne vînt le frapper, son adversaire tourna sur lui-même, tituba et jura en tombant en arrière. Le capitaine comprit trois choses en cet instant, et cela faillit nuire à sa concentration. La pointe d’une lance était entrée dans l’épaule du brigand, quelqu’un d’autre se battait à leurs côtés et, surtout, ils avaient peut-être une chance de s’en tirer. Mais, devant lui, les six hommes étaient maintenant huit ou douze, et il écarta toute espérance avant qu’elle ne le rende imprudent. Il porta un coup invalidant à celui qui se tenait directement devant lui et se tourna vers les trois individus prêts à se jeter sur lui.
Derrière, Yusuf, toujours agrippé à sa lance, mais projeté au sol par la force de son attaque, se remettait debout. Le cheval noir avait reculé et frémissait dans l’attente d’être guidé. Yusuf arracha la lance de l’épaule où elle s’était fichée.
C’est alors que, de la gauche, un lourd bâton manié avec arrogance, sinon avec précision, déséquilibra l’ennemi du sergent avant d’atterrir sur l’épaule d’un des assaillants du capitaine. Il se trouvait entre les mains d’Andreu qui, arrivé derrière les brigands, fauchait tout ce qu’il rencontrait avec une étonnante rapidité. Le musicien était suivi de Felip, armé d’un petit poignard qu’il tenait très bas. Andreu fit tomber un autre homme à terre ; Felip se jeta dans la bataille, ramassa l’épée de celui-ci et lui planta son propre couteau dans la poitrine avant de se retirer un instant de la mêlée.
Près des feux, le cuisinier et ses deux marmitons étaient occupés par la préparation du dîner. Ils mirent un certain temps à comprendre la situation. De toute évidence, on ne comptait pas sur eux. Nus jusqu’à la taille, et portant juste assez de culotte et de tablier pour satisfaire les exigences de la pudeur, ils n’avaient pas l’air de guerriers. Il y avait là un garçon qui n’avait même pas atteint ses douze ans ; quant à l’autre, c’était un homme d’allure mélancolique qui, quand il s’était trop adonné à la boisson, entonnait des chansons tristes d’une voix brisée. Le cuisinier était pour sa part grand et fort, et il avait le tempérament plutôt vif.
— Va me chercher mon bâton, mon gars, dit-il au jeune garçon. Je crois que je vais
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