Au bord de la rivière T4 - Constant
réunion. Il faudrait peut-être pas exagérer !
— Il va s’y attendre, c’est sûr, répliqua Xavier déçu.
— C’est ça. Il va avoir peur une couple de jours qu’on en fasse un, et ce sera ça, sa punition d’avoir voté pour le mauvais cheval. Là, on est le cinquième comté à avoir déjà voté dans la province, et d’après l’oncle de Liam, ce sont tous des Bleus qui sont entrés. Il paraît que c’est ce qu’ils écrivent dans le journal.
Dès que Samuel Ellis apprit la défaite de son candidat, il broya du noir. Mauvais perdant, il prit la résolution de ne pas tolérer le moindre débordement dont il allait inévitablement être victime, comme le voulait la tradition. Le premier soir, il prit la précaution de charger sa carabine et de la déposer près de la porte de la cuisine.
— Ils peuvent venir crier tant qu’ils vont vouloir, déclara-t-il à Bridget, mais le premier qui va essayer de barbouiller un de mes bâtiments avec du goudron va recevoir une charge de chevrotine dont il va se souvenir.
Finalement, cette nuit-là, Samuel Ellis eut toutes les difficultés du monde à trouver le sommeil. Le moindre son lui paraissait suspect, car il croyait les Bleus du village prêts à tout pour souligner leur victoire. Il avait encore en tête le charivari qu’il avait lui-même orchestré chez les Beauchemin pour fêter la victoire des Rouges sur la scène provinciale plusieurs mois auparavant. Mais cette fois il ne se passa rien, sinon que sa nuit fut bien courte et peu reposante.
Chapitre 5
Une nouvelle servante
À compter de la mi-août, on n’entendit plus parler des élections fédérales que par le biais des commentaires que Paddy Connolly lisait dans La Minerve . À la grande surprise des conservateurs de la paroisse, on y racontait que le scrutin était beaucoup plus serré qu’on ne s’y attendait ailleurs au pays. Le parti libéral d’Edward Blake faisait des gains importants. L’oncle de Liam Connolly se faisait même un plaisir de répéter de plus en plus souvent que Macdonald était en danger dans certaines provinces.
À Saint-Bernard-Abbé, l’excitation des élections était vite retombée après le scrutin tenu dans le comté. Il y avait maintenant des choses beaucoup plus importantes, soit la récolte du blé et de l’orge, parvenus à maturité.
— Est-ce qu’il y a quelque chose de plus beau que les épis de blé soufflés par le vent ? demanda Xavier à Catherine ce matin-là, après le déjeuner, en regardant son blé qu’une petite brise faisait onduler dans l’un de ses champs, de l’autre côté de la route. À matin, on va profiter du beau temps et commencer à faucher.
— T’as raison, reconnut la jeune femme blonde en posant une main amoureuse sur son bras. À matin, moi, je vais aller couper des tiges de paille et les mettre à tremper dans l’auge qui est dans la grange, lui apprit-elle. Quand j’aurai une minute de libre, cet automne, je les tresserai pour faire des chapeaux de paille le printemps prochain.
— Est-ce qu’il va falloir que je te plante d’autres clous dans les murs de la grange ? lui demanda-t-il. Tes tresses d’épis de blé d’Inde prennent déjà pas mal de place.
— Si tu as le temps de m’en planter quelques-uns, gêne-toi pas.
Avant de quitter la maison sur les talons d’Antonin, le jeune homme souleva Constance venue vers lui et l’embrassa. Après l’avoir déposée par terre, il fit de même avec sa femme.
Deux jours furent nécessaires au jeune fermier et à son employé pour couper et lier le blé en belles gerbes dorées. Au début de la matinée du troisième jour, Xavier alla porter sa récolte au moulin de Constant Aubé. Malgré l’heure matinale, il trouva celui-ci, blanc de farine, en train de moudre en compagnie du jeune Malouin qu’il avait engagé avant son départ pour Québec au printemps.
— Blasphème ! Je pense que t’as plus de farine sur toi que t’en mets dans les poches ! s’exclama Xavier avec bonne humeur en l’apercevant.
— Inquiète-toi pas, j’en mets sur moi juste pour avoir l’air travaillant, plaisanta le meunier en lui tendant la main. En passant, t’es le premier de la famille à venir faire moudre, lui fit-il remarquer. Il faut croire que Donat, Rémi et Liam ont pas encore fini de récolter.
— Je vais aller faire un tour tout à l’heure pour savoir ce qui les retarde, dit Xavier.
Constant Aubé lui promit sa farine dans
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