Au bord de la rivière T4 - Constant
monsieur le curé, reprit Samuel, le visage fermé, mais il n’empêche que ma femme s’est donné le mal de vous trouver quelqu’un pour la remplacer.
— Ah bon ! Il faudrait d’abord que celle qu’elle a trouvée fasse l’affaire, laissa-t-il tomber d’une voix hargneuse.
— Ce sera à vous de voir, dit Eudore Valiquette. Qui a- t-elle trouvé ? demanda-t-il à Ellis.
— Elle a parlé avant-hier à Bérengère Mousseau du rang Saint-Paul. Selon elle, la veuve est ben prête à essayer.
— Je veux d’abord la rencontrer, cette femme-là, affirma Josaphat Désilets.
— Dites-moi quand vous voulez la voir, monsieur le curé, et je vais l’avertir ce soir, en rentrant, dit Eudore Valiquette, plein de bonne volonté.
— De bonne heure demain avant-midi. Comme ça, si elle fait l’affaire, madame Ellis pourra la mettre au courant de la tâche à remplir.
— C’est entendu.
— À part ça, qu’est-ce que le conseil va faire pour la vache et pour les poules ? demanda Josaphat Désilets en revenant à la charge. Là, je vois mal madame Ellis venir me porter du lait et des œufs tous les matins si elle est plus ma ménagère.
— Ta femme pourrait peut-être fournir monsieur le curé, suggéra Eudore Valiquette en se tournant vers le facteur qui avait épousé le printemps précédent la veuve Cloutier qui demeurait en bas de la grande côte du rang Saint-Ursule.
— Comptez pas sur elle, déclara tout net Hormidas. Elle s’occupe de la ferme presque toute seule parce que moi, je suis presque toute la journée sur les chemins. Elle voudra jamais monter et descendre la côte tous les matins pour apporter ça au presbytère.
— Bon, en attendant de trouver l’argent pour acheter ces bêtes-là, déclara le président d’une voix résignée, le mieux est peut-être de demander aux Moreau qui restent presque en face de vous fournir, monsieur le curé. Je vous laisse aller vous entendre avec eux.
Josaphat Désilets esquissa une grimace qui en disait long sur son insatisfaction.
La réunion prit fin et les marguilliers quittèrent le presbytère sans s’attarder. À leur sortie, l’obscurité était déjà tombée, mais la soirée était encore chaude. Les cinq hommes se dirigèrent sans hâte vers leurs voitures.
— Sais-tu, mon Samuel, que tu vas faire tout un cadeau à monsieur le curé, déclara Hormidas Meilleur avec bonne humeur.
— Pourquoi vous me dites ça, le père ?
— Aïe, le jeune ! Prends-moi pas pour un niaiseux ! Je la connais, moi, la Bérengère Mousseau. J’ai été son voisin pendant plusieurs années. Je suis certain que si elle se fait engager comme ménagère, son gendre chez qui elle reste depuis dix ans va faire une neuvaine pour toi parce que tu vas l’avoir débarrassé de toute une chipie.
— Elle est pas si pire que ça, déclara Ellis sur un ton peu convaincant.
— C’est pas grave, intervint Donat. Si elle est pas endurable, monsieur le curé l’engagera pas.
— Moi, je suis certain qu’il va l’engager, endurable ou pas, dit Thomas Hyland avec un petit rire. Il aura pas le choix et il le sait. Ça fait un an qu’il cherche quelqu’un. Ça va être elle ou il va se débrouiller tout seul. Ça me surprendrait pas mal qu’il choisisse de se faire à manger tout seul et surtout de faire son ménage. Il est ben trop habitué à se faire servir.
Quelques minutes plus tard, Eudore Valiquette s’arrêta chez Ulric Martel, le gendre de Bérengère Mousseau.
— J’arrête juste un instant pour demander à ta belle-mère de se présenter tôt, demain avant-midi, au presbytère pour une entrevue avec le curé Désilets. À la réunion du conseil, Samuel Ellis nous a dit qu’elle était intéressée à remplacer sa femme comme ménagère.
— Attendez, monsieur le notaire, je l’appelle, s’empressa de dire le jeune cultivateur.
Il héla sa belle-mère sans ouvrir la porte moustiquaire et moins d’une minute plus tard une grande femme desséchée âgée d’une cinquantaine d’années apparut sur la galerie en replaçant du bout des doigts son chignon poivre et sel. Sa fille la suivait de près.
Eudore Valiquette répéta son message à Bérengère Mousseau, qui l’accueillit sans manifester le moindre plaisir.
— Monsieur le curé me prendra quand j’arriverai, se contenta-t-elle de dire abruptement. Merci d’avoir fait la commission.
Le notaire salua la mère et la fille d’un signe de tête et se dirigea
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