Au bord de la rivière T4 - Constant
quatre enfants comme les siens propres, mais il devait admettre qu’elle les protégeait comme s’ils l’étaient.
— Je comprends que tu t’inquiètes pour moi quand le petit va approcher, ajouta-t-elle dans un souffle.
— Ouais, laissa-t-il tomber.
— On parle plus de maîtresse d’école, poursuivit-elle en se lovant encore plus étroitement contre lui. C’est encore bien loin cette affaire-là, et on sait jamais ce que l’avenir nous réserve. Ça, c’est un rêve que j’ai et je suis même pas certaine qu’Ann le veuille…
Liam demeura silencieux dans le noir.
— Mais un diplôme de septième année pour la fille de Liam Connolly, ce serait pas rien, murmura-t-elle. Elle serait la première et la seule fille de Saint-Bernard à avoir ça, mises à part les deux maîtresses d’école.
— Je t’ai donné mon idée là-dessus, fit-il d’une voix légèrement exaspérée.
— Je pensais juste qu’après les fêtes le petit va être au monde depuis plus que deux mois, et moi, je vais être en mesure de faire mon ordinaire sans avoir besoin d’Ann qui serait plus dans mes jambes qu’autre chose. À part ça, l’hiver, c’est pas mal plus tranquille. J’ai même pas besoin de sortir pour entretenir le jardin. Une fois les repas terminés, j’ai juste le ménage à faire avant de filer ou de travailler à mes courtepointes.
— …
Devant le silence buté de son mari, elle brûla ses derniers vaisseaux.
— Tu sais bien qu’on pourrait peut-être prendre la chance de la renvoyer à l’école, après les fêtes, quand tout le barda de la maison sera passé. Même si ça fait pas son affaire d’y retourner, tu lui expliquerais que c’est juste pour nous faire honneur. Qu’est-ce que t’en dis ?
— C’est correct, t’as encore gagné, laissa-t-il tomber sèchement en s’écartant légèrement d’elle.
— Non, les Connolly vont y gagner si elle veut bien y retourner, fit-elle, diplomate.
— Je voudrais ben voir qu’elle fasse pas ce qu’on lui dit de faire, dit-il en haussant le ton.
— C’est pour ça que je lui en ai pas parlé avant de savoir ce que t’en pensais, poursuivit-elle. Je vais te laisser lui en parler. C’est toi, le maître de la maison.
— Ah ben, ça, ça fait longtemps que je l’ai pas entendu, fit-il, sarcastique.
— Bonne nuit, lui dit-elle d’une voix attendrie en l’embrassant avant de lui tourner le dos.
Ce soir-là, elle s’endormit rapidement, heureuse d’être parvenue à ses fins sans avoir déclenché une querelle familiale. Avec une habileté qu’elle ne se connaissait pas, elle était arrivée à faire de son combat le combat de son mari.
Le lendemain matin, Camille fut la première debout pour aller faire ce qu’elle appelait une « attisée » dans le poêle de la cuisine d’été. Maintenant que l’été tirait doucement à sa fin, l’air du matin se faisait plus frais et la chaleur du poêle servait à réchauffer le thé et la pièce. Debout au pied de l’escalier, elle réveilla les siens au moment même où Liam quittait leur chambre à coucher en se grattant furieusement la nuque.
— Torrieu, je sais pas par où ils sont entrés, ces maudits maringouins-là, mais ils m’ont trouvé, jura-t-il en se dirigeant vers le paillasson où il avait laissé ses bottes, la veille.
Ann, sa jeune sœur et ses deux frères descendirent et vinrent rejoindre leurs parents. Chacun connaissait maintenant sa tâche matinale sans qu’on ait besoin de la lui indiquer. Duncan sortit immédiatement chercher les vaches pour les ramener à l’étable pendant que son frère se dirigeait déjà vers l’écurie où il soignerait les chevaux. Liam, debout devant l’une des deux fenêtres de la cuisine d’été, les regardait faire en buvant une tasse de thé avant d’aller traire ses vaches. Ann et Rose quittèrent la maison peu après pour aller s’occuper des porcs et des poules.
Quand Ann rentra avec sa jeune sœur une demi-heure plus tard, Camille s’empressa de l’attirer dans sa chambre à coucher pour lui parler de ce qui avait été décidé la veille entre son père et elle.
— Tu vas me faire le plaisir de ne pas montrer que tu tiens à retourner à l’école. Fais comme si ça ne te tentait pas vraiment.
— Mais ça me tente pas plus que ça, Camille, protesta l’adolescente.
— C’est surtout pas le temps de branler dans le manche, ma fille, lui reprocha sa mère. Si tu savais combien
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