Au bord de la rivière T4 - Constant
fromagerie, c’est son idée, et c’est lui qui va faire construire. Moi, tout ce que j’ai à faire, c’est d’attendre qu’il se décide.
Il y eut un court silence dans la pièce, silence que Marie mit à profit pour servir une tasse de thé à chacune des personnes présentes.
— Pour moi, t’auras pas à attendre ben longtemps après lui, lui annonça Donat en allumant sa pipe. Pas plus tard que la semaine passée, le bonhomme m’en a lui-même parlé. Il m’a dit qu’il voulait acheter un petit bout de terrain à Bourgeois entre la forge et le magasin général et faire construire la fromagerie là.
— Ça a ben de l’allure, se borna à dire Hubert.
— Moi, je lui ai suggéré autre chose qui pourrait être plus commode pour toi et qui t’éviterait d’avoir Télesphore Dionne continuellement dans les jambes quand tu travaillerais, fit son frère aîné.
— Quoi ? demanda-t-il, curieux.
— Ben, j’ai entendu dire que Tancrède Bélanger haïrait pas pantoute vendre sa terre avant l’hiver à cause de ses rhumatismes. Il voudrait ben aller rester chez son garçon à Saint-Zéphirin. J’ai dit à Dionne que ce serait ben moins un aria pour lui s’il achetait la maison et les bâtiments, quitte à louer à White une partie de la terre du bonhomme.
— Je sais pas si… voulut intervenir Hubert.
— Écoute ! Penses-y un peu ! lui ordonna son frère. Tu serais à mille pieds du magasin général, de l’autre côté du pont. Au lieu de venir coucher à la maison tous les soirs et de te lever aux petites heures pour aller à ta fromagerie, tu pourrais t’installer dans la maison des Bélanger. Elle est pas grande, mais elle a toujours été ben entretenue. En plus, tu pourrais installer tout ton barda dans sa cuisine d’été et dans la remise à côté. T’aurais une étable et une grange et d’autres petits bâtiments qui pourraient être ben utiles.
— Ouais, fit Hubert, pensif.
— Ce serait mille fois mieux pour toi. Au lieu d’être poigné avec Dionne en train de regarder tout le temps ce que tu fais, tu serais comme le maître de la place.
Quelques minutes de discussion semblèrent convaincre le cadet que son frère avait vu juste et il lui promit d’en parler au propriétaire du magasin général. Après le dîner, les deux frères passèrent l’après-midi à fumer le dernier champ des Beauchemin. Quand Ernest rentra de Sainte-Monique, ils finissaient le travail.
Lorsque Bernadette revint de l’école un peu après quatre heures, elle fut heureuse de constater le départ des religieuses et encore plus contente de voir son frère Hubert.
Aussitôt la dernière bouchée de son souper avalée, Hubert entreprit de faire une toilette soignée et il tailla avec soin sa moustache avant d’annoncer qu’il allait veiller chez les Dionne.
— Pas avec Télesphore Dionne, j’espère ? se moqua Bernadette.
— Non, avec Angélique, s’empressa-t-il de la corriger, sérieux. Je l’ai pas vue depuis deux mois.
— Moi, je suis pas certaine qu’elle va être bien contente de te voir. Elle a fait l’école toute la journée. Elle doit avoir des préparations à faire pour demain.
— Si c’est comme ça, je reviendrai plus de bonne heure, répliqua-t-il, un peu déçu.
Apparemment, il n’avait pas pensé à cette possibilité et sa joie en fut un peu assombrie.
Quelques minutes plus tard, à son arrivée chez les Dionne, il hésita légèrement entre aller frapper à la porte du magasin général ou à celle de la maison attenante. Comme il ne voyait aucune lumière dans le magasin, il opta finalement pour la maison et c’est Alexandrine Dionne qui vint lui ouvrir sans manifester une très grande surprise.
— Entre, mon garçon, l’invita-t-elle. On t’attendait ces jours-ci.
Elle fit passer le visiteur dans la cuisine où son mari se berçait paisiblement pendant que sa fille, assise à la table, travaillait à la préparation de ses cours du lendemain. Télesphore quitta sa chaise berçante pour serrer la main du fils de Baptiste Beauchemin qu’il accueillit avec bonne humeur.
À la vue de Hubert, Angélique se leva précipitamment et vint vers lui, visiblement très heureuse de le voir enfin de retour. Avant même que la jeune fille lui propose de la suivre au salon, son père intervint.
— Assois-toi, Hubert, et parle-moi de mon cousin de Dunham et de ce que t’as appris pendant ton stage.
Avec un sourire un peu contraint, le
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