Au Coeur Du Troisième Reich
maquiller la réalité, avait mis Hitler en fureur, toutefois il considéra que l’état-major de la Luftwaffe avait aussi sa part de responsabilité. Le lendemain Göring fut reçu comme d’habitude. L’incident était clos.
Dès le 20 septembre 1942, j’avais fait observer à Hitler que nous aurions à faire face aux pires difficultés dans le cas où le matériel pour les chars en provenance de Friedrichshafen viendrait à manquer et la production de roulements à billes de Schweinfurt à s’arrêter. En conséquence, Hitler donna l’ordre de renforcer la défense antiaérienne de ces deux villes.
Il est de fait, comme je m’en rendis compte très tôt, que les bombardements auraient pu dès 1943 très largement décider de l’issue de la guerre, si l’on avait tenté d’anéantir les centres de la production d’armements, au lieu de procéder par bombardements massifs mais aveugles. Le 11 avril 1943, je proposai à Hitler de constituer une commission formée d’experts de l’industrie, ayant mission de choisir les objectifs stratégiques, qui, pour l’économie énergétique de l’Union soviétique, étaient d’une importance vitale. Toutefois ce ne fut pas l’Allemagne, mais l’aviation britannique qui tenta pour la première fois d’infléchir de manière déterminante le déroulement de la guerre en détruisant l’un des centres vitaux de notre économie de guerre, en quelque sorte selon le principe consistant à paralyser certains secteurs de la production. De même qu’on peut empêcher un moteur de fonctionner en supprimant l’une de ses pièces, la R.A.F. tenta, le 17 mai 1943, d’annihiler le centre vital de notre production d’armements en envoyant 19 bombardiers seulement détruire les barrages de la Ruhr.
Les informations qui me furent communiquées aux premières heures du matin étaient extrêmement alarmantes. Le barrage de la Möhne, le plus important de tous, était détruit et s’était vidé. On n’avait encore aucune nouvelle au sujet des trois autres barrages. Je sautai dans un avion pour aller observer le désastre à vol d’oiseau : le mur de retenue du barrage était éventré et, au pied de celui-ci, la centrale hydro-électrique et ses lourdes machines étaient pour ainsi dire rasées. Le jour se levait lorsque notre appareil se posa sur l’aérodrome de Werl.
Un véritable raz de marée avait inondé la vallée de la Ruhr. Les conséquences, en apparence insignifiantes, étaient cependant graves : les groupes électriques des stations de pompage de la vallée de la Ruhr étaient noyés et envasés, si bien que l’industrie était en panne et la population menacée de ne plus être approvisionnée en eau. Je fis parvenir peu après au quartier général un rapport sur la situation qui, selon les termes du procès-verbal de la conférence du Führer, fit « une profonde impression sur le Führer. Il conserve les informations à ce sujet 5 ».
Pourtant, au cours de ce raid, les Anglais n’avaient pas réussi à détruire les trois autres barrages, ce qui aurait presque complètement interrompu l’approvisionnement de la Ruhr en eau pour les mois d’été à venir. Le plus important de ces trois barrages était celui de la Sorpe, que je pus visiter le même jour : le mur de retenue avait été touché en plein milieu, mais par bonheur la brèche faite par la bombe n’atteignait pas tout à fait le niveau de l’eau. Quelques centimètres de plus et l’eau se serait écoulée pour donner rapidement naissance à un torrent furieux qui aurait emporté la digue construite en terre et en blocs de roche 6 . En engageant cette nuit-là un petit nombre de bombardiers, les Anglais eurent à leur portée un succès qui aurait été plus grand que tous ceux qu’ils avaient obtenus jusque-là avec des milliers d’avions. Mais ils commirent une erreur qui, aujourd’hui encore, reste pour moi incompréhensible : ils divisèrent leurs forces et détruisirent cette même nuit, à 70 kilomètres de là, le barrage de l’Eder, qui n’avait strictement aucune incidence sur l’approvisionnement de la Ruhr en eau 7 . Quelques jours après ce raid, 7 000 hommes, que j’avais rappelés du mur de l’Atlantique pour les diriger sur la région de la Möhne et de l’Eder, travaillaient à la réfection des digues. Le 23 septembre 1943, avant le début de la saison des pluies, la brèche du barrage de la Möhne, haute de 77 mètres sur une
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