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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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détenus étaient occupés à mettre des machines en place et à transférer des installations. Le visage dépourvu de toute expression, ils me regardèrent sans me voir et ils enlevèrent mécaniquement leur casquette de détenu en treillis bleu, jusqu’à ce que notre groupe fût passé.
    Je ne puis oublier un professeur de l’Institut Pasteur à Paris qui témoigna au procès de Nuremberg. Lui aussi avait été employé dans ce « Mittelwerk » que j’avais inspecté ce jour-là. Sur un ton neutre, objectif, dépourvu de toute passion, il expliqua les conditions inhumaines qui avaient été celles de cette usine inhumaine : jamais je n’oublierai cet homme triste et brisé, étonné par une telle barbarie, dont l’accusation dénuée de haine, continue à me poursuivre.
    Les conditions de vie de ces détenus étaient véritablement barbares et un sentiment de profonde consternation et de culpabilité personnelle m’étreint chaque fois qu’aujourd’hui encore je pense à ces détenus. Ainsi que je l’appris par les gardiens après l’inspection, les conditions sanitaires étaient insuffisantes, les maladies largement répandues ; les prisonniers habitaient près de leurs lieux de travail dans des souterrains humides et cela expliquait pourquoi le taux de mortalité était extraordinairement élevé 17  . Le jour même, j’allouai les matériaux nécessaires et mis tout en œuvre pour faire édifier un camp de baraquements sur une hauteur voisine. Quant au reste, j’insistai auprès des SS qui commandaient le camp pour que toutes les mesures nécessaires soient prises, en vue d’améliorer les conditions sanitaires et la nourriture. J’obtins effectivement la promesse que ces mesures seraient prises.
    En fait, jusqu’alors je ne m’étais guère soucié de ces problèmes et les assurances données par la direction du camp me poussèrent à les négliger pendant un mois encore. Le 13 janvier 1944, le D r  Poschmann, le médecin-conseil des différents services de mon ministère, me décrivit à nouveau avec les couleurs les plus noires les conditions d’hygiène qui régnaient dans le Mettelwerk : j’envoyai alors le lendemain un de mes directeurs généraux à l’usine 18  . En même temps, le D r  Poschmann mit en route des mesures sanitaires supplémentaires. Quelques jours plus tard, ma propre maladie réduisit en partie ces tentatives à néant. Toutefois après mon retour, le 26 mai, le D r  Poschmann m’informa dans son rapport que des médecins civils avaient été nommés dans un grand nombre de camps de travail ; mais il y eut en même temps des difficultés. Car ce même jour je reçus une lettre grossière de Robert Ley, qui protestait pour des raisons de forme contre l’activité du D r  Poschmann : les soins médicaux dans les camps, écrivait-il, relevaient de ses attributions. Sur un ton indigné, il exigeait non seulement que j’admoneste le D r  Poschmann, mais que je lui interdise à l’avenir toute intervention et que je lui demande des comptes disciplinairement. Je lui répondis immédiatement que je ne voyais personnellement aucune raison d’accepter ses exigences, et qu’au contraire nous avions le plus grand intérêt à voir les détenus jouir d’une assistance médicale suffisante 19  . De fait, je convins le jour même avec le D r  Poschmann de mesures médicales supplémentaires à prendre. Comme je réglais tout cela en collaboration avec le D r  Brandt et que, par-delà toutes les considérations humanitaires, toutes les raisons de bon sens étaient de notre côté, j’attendais sans inquiétude la réaction de Ley. J’étais certain que Hitler rappellerait à la bureaucratiedu parti, que nous avions ignorée dans cette affaire, les limites de son activité, et qu’en plus il la traiterait par le mépris.
    Je n’entendis pourtant plus parler de Ley. Himmler lui-même échoua lorsqu’il essaya de me démontrer qu’il pouvait frapper à sa guise même des groupes de personnalités importants. Le 14 mars 1944 il fit arrêter Wernher von Braun avec deux de ses collaborateurs. On indiqua au directeur de l’administration centrale de mon ministère qu’ils avaient enfreint une de mes directives en se laissant divertir de leurs tâches vitales pour la guerre par des projets pacifiques. De fait, Wernher von Braun et son état-major avaient souvent parlé en toute liberté des inventions auxquelles ils songeaient. Ils avaient brossé le

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