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Au Coeur Du Troisième Reich

Au Coeur Du Troisième Reich

Titel: Au Coeur Du Troisième Reich Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Lemay , Albert Speer , Michel Brottier
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pour nos adieux ? Et puis des confiseries. Vous n’avez certainement rien mangé depuis longtemps. » Le seul fait qu’elle ait, la première depuis des heures que j’étais dans le bunker, pensé que je pourrais avoir faim me parut une attention touchante. Le domestique rapporta une bouteille de Moët et Chandon, des gâteaux et des confiseries. Nous restâmes seuls. « Vous savez, c’est bien que vous soyez revenu. Le Führer supposait que vous travailliez contre lui. Mais votre visite lui a prouvé le contraire. N’est-ce pas ? » Je ne répondis pas. « Par ailleurs, ce que vous lui avez déclaré aujourd’hui lui a plu. Il a décidé de rester ici et je resterai avec lui. Ce qui s’ensuivra, vous le savez… Il voulait me renvoyer à Munich. Mais je n’ai pas voulu. Je suis venue ici pour en finir. » Elle fut la seule également dans le bunker à faire preuve d’humanité. « Pourquoi, demanda-t-elle, faut-il que tant d’hommes et de femmes meurent ? Cela n’a plus de sens… Au demeurant, vous avez failli ne plus nous revoir. Hier, la situation était tellement désespérée que nous pensions que les Russes occuperaient très vite Berlin. Le Führer voulait déjà tout abandonner. Mais Goebbels a réussi à l’en dissuader, c’est pourquoi nous sommes encore ici. » Parlant librement, faisant parfois quelques sorties contre Bormann et ses intrigues, elle s’entretint ainsi avec moi, revenant sans cesse sur la joie qu’elle éprouvait de se trouver ici dans le bunker.
    A trois heures du matin, Hitler était de nouveau debout. Je lui fis dire que je voulais prendre congé. Cette journée m’ayant durement éprouvé, je craignais de ne pouvoir me contrôler pendant ces adieux. Je me retrouvais pour la dernière fois devant cet homme à qui, douze ans auparavant, j’avais consacré ma vie, et qui, maintenant, n’était plus qu’un vieillard agité de tremblements. J’étais en même temps ému et déconcerté. Lui, en revanche, ne manifesta aucune émotion. Ses paroles étaient aussi froides que sa main. « Alors, vous partez ? Bon. Au revoir. » Pas une pensée pour ma famille, pas un souhait, pas un remerciement, pas un mot d’adieu. Un instant, je perdis contenance, parlant de revenir. Mais il put aisément voir qu’il ne s’agissait là que d’un mensonge dicté par les circonstances et, se détournant, s’occupa d’autre chose, me signifiant ainsi mon congé.
    Dix minutes après, accompagné du silence de ceux qui restaient, j’avais quitté l’appartement du chancelier. Je voulus traverser une dernière fois mon œuvre toute proche, la Chancellerie du Reich. Comme il n’y avait pas de lumière, je me contentai de quelques minutes d’adieux dans la cour d’honneur dont l’obscurité estompait les contours et dont je dus deviner plutôt qu’autre chose l’ordonnance architecturale. Il régnait un silence presque sépulcral, comme parfois la nuit dans les montagnes. Le bruit de la ville, qu’on percevait autrefois jusqu’ici, même à cette heure nocturne, s’était tu. A intervalles espacés, j’entendais éclater les obus russes. Ce fut là ma dernière visite à la Chancellerie du Reich. Il y avait de cela des années, je l’avais construite, plein de projets, de perspectives et de rêves d’avenir. Je quittais maintenant le champ de ruines non seulement de mon édifice, mais des plus précieuses années de ma vie.
     
    « Comment cela s’est-il passé ? me demanda Poser. – Grâce au ciel, lui répondis-je soulagé, je n’ai pas eu besoin de jouer au prince Max de Bade. » J’avais bien interprété la froideur de Hitler lors de nos adieux, car, six jours plus tard, il me rayait de son testament politique, faisant de Saur, depuis longtemps son favori, mon successeur.
    En disposant quelques lanternes rouges, on avait transformé en piste d’envol la rue qui mène de la porte de Brandebourg à la colonne de la Victoire. Des commandos avaient rebouché les cratères creusés par les derniers obus. Nous décollâmes sans incidents : sur ma droite, je vis s’évanouir une ombre : c’était la colonne de la Victoire. Nous avions la voie libre. Nous pouvions voir dans et autour de Berlin de nombreux incendies, les flammes des canons et les fusées éclairantes ressemblant à des vers luisants. Pourtant, le spectacle n’avait rien de comparable à une des grosses attaques aériennes sur Berlin. Nous mîmes le cap sur un trou d’ombre dans la

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