Au Coeur Du Troisième Reich
propos tenus dans le pavillon de thé. Ils portaient sur des questions de mode, d’élevage des chiens, de théâtre, de cinéma, sur l’opérette et ses vedettes, ou détaillaient à l’infini la vie de famille d’autrui. C’est à peine si, dans ce cercle d’intimes, Hitler évoqua quelquefois la question juive, ses adversaires politiques à l’intérieur, ou même la nécessité de construire des camps de concentration. Ce silence provenait peut-être plus de la banalité de la conversation que d’une intention délibérée. Contre ses collaborateurs, en revanche, il exerçait souvent sa verve caustique. Ce n’est pas un hasard si ce sont précisément ces railleries, d’autant plus frappantes que très fréquentes, dont j’ai conservé le souvenir le plus vivace ; elles touchaient en effet des hommes que l’opinion publique ne pouvait critiquer. Mais le cercle des intimes de Hitler n’était pas tenu, lui, de se taire et Hitler affirmait qu’avec les femmes, de toute façon,s’engager à être discret n’avait pas de sens. Voulait-il en imposer par sa façon de parler avec dédain de tout et de tous ? Ou bien était-ce là un effet du mépris qu’il professait envers les hommes et les événements ?
Souvent Hitler exprimait une opinion désobligeante sur le mythe SS créé par Himmler, déclarant par exemple : « Quelle absurdité ! Alors que nous en sommes presque à une époque libérée de toute mystique, le voilà qui recommence ! Tant qu’à faire, nous n’avions qu’à en rester à l’Église. Elle, au moins, avait des traditions. Penser qu’un jour, on puisse faire de moi un saint SS ! Vous vous imaginez ! Je me retournerais dans ma tombe ! » Ou encore : « Cet Himmler vient encore de faire un discours, où il parle de Charlemagne comme du "boucher des Saxons". La mort d’un grand nombre de Saxons n’a pas été, à ce qu’il dit, un crime historique ; au contraire, Charlemagne aurait bien fait de soumettre Widukind et de tuer les Saxons sans autre forme de procès, car, en faisant cela, il a permis à la France d’exister et à la culture occidentale de pénétrer dans l’Allemagne actuelle. »
Quant aux fouilles préhistoriques que Himmler faisait faire par des savants, Hitler ne leur épargnait pas non plus ses sarcasmes. « Pourquoi rappeler au monde entier que nous n’avons pas de passé ? Il ne suffit donc pas que les Romains aient déjà été de grands constructeurs à l’époque où nos ancêtres habitaient des cabanes en torchis, il faut encore que Himmler se mettre à exhumer ces villages en torchis et à s’enthousiasmer à chaque morceau de terre cuite ou à chaque hache de pierre. La seule chose que nous prouvons par là, c’est que nous brandissions des haches de pierre et que nous nous accroupissions autour de feux de camp, quand la Grèce et Rome se trouvaient déjà au stade suprême de leur culture. Nous aurions en fait toutes les raisons pour faire le silence sur ce passé. Or, au lieu de se taire, Himmler fait grand bruit autour de tout ça. De quels rires méprisants les Romains d’aujourd’hui n’ont-ils pas dû accueillir ces révélations ! »
Alors qu’à Berlin, devant ses collaborateurs politiques, il s’exprimait en termes très violents sur le compte de l’Église, en présence des femmes, il adoptait un ton plus modéré, bon exemple de la façon dont il s’adaptait à son auditoire. Ainsi il déclara un jour à ses intimes : « C’est certain, le peuple a besoin de l’Église. C’est un puissant élément de cohésion. » Il est vrai qu’il imaginait alors une Église qui se tiendrait à ses côtés et dont il pourrait disposer comme d’un instrument, car il continua : « Si seulement le Reibi (le Reichsbischof, évêque du Reich, Ludwig Millier) avait de la carrure ! Mais pourquoi me donne-t-on un petit aumônier comme ça ? J’aimerais lui accorder tout mon soutien. Il pourrait entreprendre beaucoup ! Je pourrais faire de l’Église évangélique l’Église officielle, comme en Angleterre ! »
Même après 1942, Hitler souligna encore, au cours d’une conversation au pavillon de l’Obersalzberg, qu’il tenait pour nécessaire l’existence de l’Église dans la vie d’un État. Il serait heureux, disait-il, de trouver un jour un homme d’Église important, qui ait les qualités requises pour diriger une et même les deux Églises réunies si possible. Il déplorait toujours que le
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