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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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première fois aujourd’hui je pense, après tout, qu’il m’a peut-être dit la vérité alors – il n’a peut-être pas été illégal après tout. » Et, elle aussi, elle s’est mise à pleurer.
    La sœur de Frau Stangl, Helene Eidenböck, qui vit à Vienne, n’avait aucun doute, quant à elle. « Oh ! oui, dit-elle, je pense qu’il a été un “illégal” – ils l’étaient tous dans cette partie de l’Autriche. Sinon, il n’aurait pas eu un avancement si rapide. Et c’est bien ce qu’ils voulaient, tous les deux – de l’avancement. »
    Et l’ancien SS Franz Suchomel, subordonné de Stangl à Treblinka et qui, après un séjour de quatre ans en prison, habite aujourd’hui en Allemagne du Sud, m’a affirmé : « Stangl m’a déclaré lui-même qu’il avait été un “illégal”. Il portait sur sa veste d’uniforme le chevron des “anciens” ; on n’y avait pas droit si facilement. »
    Aucune de ces deux opinions n’apporte la preuve irréfutable que Stangl ait menti. Si en effet l’histoire qu’il m’a racontée est vraie, la mention dans son dossier qu’il avait figuré sur la liste des illégaux établissait son appartenance au parti. Automatiquement, cela lui conférait tous les privilèges qu’entraînaient de tels antécédents ; et l’on peut concevoir qu’il ait dit à Suchomel avoir été un « illégal », précisément afin de renforcer sa position en diffusant une telle information. Mais la preuve est faite, en tout cas, que sa famille comme ses subordonnés furent convaincus qu’il avait été dans le parti nazi non un « inscrit » mais un « volontaire ».
    Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans son histoire, se dévoilait de plus en plus nettement l’amalgame fatal entre sa propre personnalité et le déroulement des événements. Je demandai :
    Quelle a été votre première rencontre personnelle avec la situation des Juifs en Autriche après l’Anschluss ?
    « À cette époque, ils disaient qu’ils voulaient contraindre les Juifs à émigrer – rien de plus, vous savez, partir. »
    Vous avez pensé que c’était cela leur intention ?
    « Mais c’était leur intention. On avait créé à la Gestapo une section spéciale pour “l’action juive” – la section II B2 – où l’on dressait la liste des Juifs et de leurs biens. »
    [À Vienne, cette section était dirigée par Eichmann. Toutes les recherches faites à ce sujet tendent à confirmer qu’avant 1940 la « solution finale » – à savoir l’extermination des juifs – ne fut ni proposée, ni même envisagée, si ce n’est peut-être en privé, par Hitler et Heydrich.]
    Quels étaient vos rapports avec la section II B2 ?
    « En principe je n’en avais aucun. J’étais dans la section politique, 2C. Voyez-vous, je crois qu’ils savaient ce que je pensais. Je veux dire que je n’étais pas réellement avec eux. Par exemple, après la nuit de Cristal autrichienne [3] , le gauleiter Eigruber m’a convoqué spécialement pour me conseiller de « la fermer » et d’aider la II B2 chaque fois que je serais requis. »
    Et le fait ne vous a pas paru assez menaçant pour vous faire comprendre que c’était le moment de quitter ?
    « Mais ce n’était pas menaçant à l’époque, comprenez-moi, et il n’était pas question de quitter : si seulement ç’avait été aussi simple ! À ce moment-là déjà nous apprenions chaque jour que tel ou tel avait été arrêté, envoyé au KZ (camp de concentration) ou abattu. Dans notre métier, la question n’était plus de choisir entre rester ou ne pas rester. La question déjà était de survivre, les choses étaient allées vite. »
    Alors, finalement quel a été votre premier contact direct avec leurs projets pour les Juifs ?
    « C’est après l’affaire des Sudètes [4] que j’ai reçu l’ordre d’escorter en Bohême le président du Conseil israélite. Nous devions dénombrer les Juifs qui vivaient encore là-bas et leurs biens. Nous y sommes allés à quatre : moi-même et un de mes jeunes assistants le président de la section Hirschfeld – un homme très bien – et son secrétaire, un jeune type nommé Hunger. »
    Comment avez-vous voyagé ?
    « Oh ! en voiture. »
    Mais vous avez dû passer les nuits quelque part. Comment était-ce organisé ?
    « Nous logions tous à l’hôtel. Nous prenions nos repas ensemble. Comment vous expliquer ? Tout était parfaitement

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