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Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
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familier, ça a été de lui confirmer que j’exécuterais la consigne comme officier de police sous son commandement. »
    Mais des mois auparavant, Michel et vous aviez reconnu entre vous que ce qui se faisait, était un crime. Comment pouviez-vous alors, en votre âme et conscience, vous porter volontaire pour prendre une part quelconque à un crime ?
    « C’était une question de survie – toujours de survie. Tout ce que je pouvais faire, pendant que je continuais à essayer de me tirer de là, c’était de limiter mes propres actions à un domaine dont je pouvais répondre en toute conscience. À l’école d’entraînement de la police, on nous avait appris – je me souviens, c’était le Rittmeister Leitner qui disait toujours ça – que la définition du crime devait satisfaire à quatre conditions : Il fallait un sujet, un objet, une action, une intention. S’il manquait un seul des quatre éléments, alors on n’avait pas affaire à un crime punissable. »
    Je ne vois pas comment vous pouviez appliquer ce concept à la situation.
    « C’est ce que j’essaie de vous expliquer : je ne pouvais vivre que si je compartimentais ma pensée. C’est par ce moyen que je pouvais appliquer la définition à ma propre situation ; si le “sujet” était le gouvernement, l’ “objet” les Juifs et l’ “action” celle de gazer, alors je pouvais me dire que pour moi le quatrième élément « l’intention” [qu’il appelait “libre volonté“] manquait. »
    Sauf dans la mesure où l’administration des valeurs était en cause ?
    « Oui. Mais une possibilité de trafic illégal étant reconnue, cela devenait une activité policière légitime. »
    Mais ces valeurs que vous proposiez – ou que vous acceptiez d’administrer n’auraient pas été là s’il n’y avait pas eu les chambres à gaz. Comment pouviez-vous dissocier l’un de l’autre. Même dans vos propres pensées ?
    « Je le pouvais parce que ma mission spécifique dès le départ était la responsabilité de ces valeurs. »
    Et qu’est-ce que vous auriez fait si vous aviez été chargé en propre de faire fonctionner ces chambres à gaz elles-mêmes ?
    « Je ne l’étais pas », répliqua-t-il sèchement et il a ajouté d’un ton raisonnable et même pédagogique : « C’était fait par deux Russes – Ivan et Nicolau – sous le commandement d’un subordonné [Gustav Münzberger] »

3
    Le camp avait environ vingt-quatre hectares (six cents mètres sur quatre cents), il était divisé en deux sections principales et quatre sous-sections. Le « camp d’en haut » ou Camp II comprenait les chambres à gaz, les installations pour la destruction des corps (chaux vive au début, puis immenses claies métalliques pour incinérer, appelées « les grils ») et les baraquements pour les Totenjuden, les groupes de travail juifs. L’un était pour les hommes, l’autre, plus loin, pour les femmes. Les hommes transportaient et brûlaient les cadavres ; les douze femmes faisaient la cuisine et la lessive.
    Le « camp du bas » ou Camp I était divisé en trois sections, strictement séparées par des barbelés, qui, de même que les clôtures extérieures, étaient entrecroisés de branches de sapin, pour tout camoufler. La première section contenait la rampe de débarquement et la place d’arrivée ( Sortierungs-platz ) où l’on procédait aux premières sélections ; le prétendu hôpital (le Lazarett) où les vieux et les malades étaient abattus au lieu d’être gazés ; les baraques-vestiaires où les victimes se déshabillaient, laissaient leurs vêtements, où les femmes étaient tondues et où se pratiquaient les fouilles internes pour découvrir les valeurs dissimulées ; et enfin la « route du ciel ». Celle-ci, partant de la sortie du baraquement-vestiaire des femmes et des enfants, formait une allée d’environ trois mètres de large, avec de part et d’autre des barrières de barbelés hautes de trois mètres revêtues d’un épais camouflage de branchages toujours renouvelés et à travers lesquelles on ne pouvait ni voir ni être vu. Les prisonniers nus, en rang par cinq, devaient remonter en courant les cent mètres du chemin jusqu’en haut de la colline vers les « douches » – les chambres à gaz. Et quand les installations de gaz tombaient en panne (comme cela arrivait fréquemment), ils restaient là des heures durant, à attendre leur tour.
    À gauche de

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