Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Fond Des Ténèbres

Au Fond Des Ténèbres

Titel: Au Fond Des Ténèbres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gitta Sereny
Vom Netzwerk:
lendemain matin. Et après cette réunion avec Globocnik, nous sommes repartis pour Treblinka. Il y a eu une longue conférence avec Eberl dès notre arrivée. Je suis allé prendre un café au mess et j’ai bavardé avec quelques officiers. Ils m’ont dit qu’ils s’amusaient bien : tirer, c’était “du sport” ; il y avait plus d’argent et de trucs de toutes sortes qu’on ne pouvait en rêver, et tout ça à volonté, on n’avait qu’à se servir. Le soir, disaient-ils, Eberl faisait danser sur les tables des Juives toutes nues. C’était écœurant, tout ça, écœurant… »
    Suchomel, témoin méticuleux et toujours ardent à « défendre », si l’on peut dire, les Juifs, avait son opinion là-dessus. « Il n’y a jamais eu de Juives nues dansant sur les tables, m’a-t-il dit, c’est faux. Ce qui est vrai c’est qu’un jour Eberl, fin saoul, a fait danser une femme nue dans la cuisine. Il lui a ordonné de se déshabiller – ce qu’elle a fait d’ailleurs avec beaucoup de répugnance. Quand Wirth a appris ça, il a fait fusiller la pauvre fille. C’est August Hengst qui avait servi de maquereau dans cette affaire. »
    Autre remarque de Suchomel sur l’arrivée de Stangl à Treblinka. « Sa première suggestion lorsqu’il est arrivé, a été qu’il fallait mettre des seaux dans le “couloir” pour les femmes. Ils “chiaient” tous, vous savez, quand ils couraient, ou qu’ils attendaient là, immobiles. Stangl a dit qu’il avait fait mettre des seaux à Sobibor dans le “couloir” et que ça avait été très utile. Wirth a répondu qu’il n’avait rien à foutre de ce qu’on pouvait faire de la merde à Sobibor. “Laissez-les se conchier eux-mêmes. On nettoiera après.” Il semble que deux hommes ont alors été désignés pour “nettoyer” le chemin des chambres à gaz, entre les convois.
    « Ce soir-là après dîner, reprit Stangl, Wirth nous a annoncé qu’Eberl et quatre hommes de son équipe étaient appelés ailleurs pour une mission importante et que lui, Wirth, allait rester là un moment. Eberl et les autres sont partis le matin suivant. Wirth est resté environ deux semaines et il a réorganisé le camp. Il a remis de l’ordre – je dois l’avouer. Il a téléphoné à Varsovie pour faire arrêter tous les transports jusqu’à ce que tout soit en ordre. »
    On peut douter du calendrier reconstitué pour moi par Stangl, et cela pas seulement à cause d’une légère divergence entre sa version de la suite des événements et celle de sa femme. Au procès il est apparu que Globocnik avait été averti de la situation critique de Treblinka “au cours du mois d’août” – bien avant l’époque signalée par Stangl – et qu’il avait été lui-même sur place avec son aide Oberhaüser, qui a témoigné là-dessus au procès, et Wirth. Selon ce témoignage, Globocnik releva Eberl de ses fonctions sur-le-champ, mit en poste Wirth et donna lui-même des instructions pour la réorganisation du camp (Suchomel de son côté m’a précisé que « Eberl était parti quand Stangl est arrivé »). Oberhaüser déclara lui aussi que c’était à Treblinka « appuyé à la porte d’une baraque de la place » que Globocnik avait choisi Stangl pour remplacer Eberl, et qu’il avait dit « qu’il organiserait tout ça le lendemain à son bureau ». Il a choisi aussi le successeur de Stangl à Sobibor, (Reichleitner).
    Il est probable que Stangl a modifié le déroulement des faits à mon intention pour donner le plus possible l’impression que sa nomination à Treblinka avait été une « surprise » et qu’une fois de plus « il ne savait réellement pas en quoi consistaient ses fonctions », mythe qu’il maintint tout au long de son procès et qu’il n’abandonna que tout à la fin de nos conversations.
    Que faisiez-vous pendant que Wirth réorganisait le camp ? lui ai-je demandé.
    « Mais j’avais mes consignes particulières : retrouver tous les objets de valeur et l’argent. Cinq jours après mon arrivée, un courrier – il s’appelait Felke je crois – est venu de Sobibor et de Lublin. Il m’a dit que Michel m’envoyait ses amitiés et que ma famille était partie. Après cela je me suis senti mieux. J’avais l’impression bizarre que quelque chose de louche s’était passé entre Wirth et Eberl. » (Il parlait maintenant avec l’animation et l’intérêt caractéristiques de l’officier de police

Weitere Kostenlose Bücher