Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
secrétaire de Rochemore, qui avait participé à l'affaire du Texel , serait arrêté dès son arrivée à Paris ; Fontenette, dont on ignorait l'usage qu'il avait pu faire des vingt mille livres, avait été contraint de démissionner de la marine ; Simard de Belle-Isle, officier indiscipliné et complice des agissements de Rochemore, était dégradé et rappelé en France ; Jean-Baptiste Destréhan, trésorier indélicat, autre complice de Rochemore, devait venir s'expliquer sur l'origine d'une fortune un peu trop rapide, évaluée à six cent mille livres ; Pierre-Henri d'Erneville, qualifié de « chef de cabale », rappelé à Paris, se voyait relevé de ses fonctions ; Antoine-Philippe de Marigny de Mandeville, comme Reggio et Orville, comparses de Rochemore, devaient être sévèrement réprimandés. Et, comme le duc de Choiseul avait pensé à tout, un autre commissaire ordonnateur figurait parmi les passagers de la Fortune , M. Denis-Nicolas Foucault qui, en l'absence de M. d'Abbadie, tiendrait les comptes. Comme la plupart des nouveaux arrivants expliquèrent que la guerre allait bientôt se terminer d'une façon ou de l'autre, les peuples, les armées et les marines étant à bout de souffle, les Louisianais se voyaient déjà au seuil de la paix et de la prospérité. Ils ignoraient encore que la marine espagnole, sur laquelle Choiseul avait compté pour combattre la flotte anglaise, était incapable de tenir tête aux escadres britanniques ; ils ignoraient aussi que les « tuniques rouges » s'étaient emparées de la Guadeloupe et de la Martinique et que les Britanniques s'apprêtaient à dicter leurs conditions à Louis XV et à Charles III. Aussi furent-ils surpris d'apprendre, un matin de mai 1762, que la cour de Madrid avait accepté de céder les Florides aux Anglais, pour conserver Cuba et Porto Rico que sa marine n'était plus en mesure de défendre. Bien que les Florides soient considérées comme un territoire couvert de savanes et de lagunes insalubres, les colons français imaginèrent aisément que les Anglais allaient y installer des colonies nouvelles.
    Mais, en cette année 1762, se préparait à Fontainebleau, pour les Louisianais, une surprise plus douloureuse. Ils n'en eurent connaissance, du fait de la miséricordieuse lenteur des communications, que le 7 avril 1763, quand d'Abbadie, libéré par les Anglais, débarqua de l' Aigrette avec le titre, nouveau pour la colonie, de commissaire général de la marine et ordonnateur de la Louisiane.

    La Louisiane, cadeau royal
    Au XVIII e  siècle, un roi ne sollicitait pas l'avis de ses sujets quand il décidait d'offrir un morceau du patrimoine national à un autre roi. Les sujets faisaient partie du cadeau, comme il arrive encore aujourd'hui, à l'occasion d'un changement de propriétaire, que le personnel d'une entreprise soit compris, comme le mobilier, dans la transaction ! C'est ainsi que les Louisianais, qui s'étaient endormis français le 3 novembre 1762, se réveillèrent espagnols le lendemain ! Entre-temps, Louis XV avait donné la Louisiane à son cher et bien-aimé cousin, le roi Charles III d'Espagne. En vertu du pacte de Famille, le souverain français entendait, par cette cession, dédommager le fils de Philippe V et d'Élisabeth Farnèse de la perte des colonies qui lui seraient enlevées par le futur traité de Paris. Ces accords, destinés à mettre fin à la guerre entre l'Angleterre, la Prusse et le Portugal d'une part, la France, l'Espagne et l'Autriche d'autre part, étaient déjà en cours de discussion.
    Le royal cadeau de Louis XV à Charles III procédait des préliminaires de paix et avait naturellement fait l'objet d'un accord particulier entre les deux souverains dont le contenu devait rester secret jusqu'à la signature du traité en cours d'élaboration. Le document historique avait été signé, au château de Fontainebleau, par le duc de Choiseul et le marquis Jerónimo de Grimaldi 7 , ambassadeur d'Espagne à Paris. Par ce texte, Sa Majesté Très Chrétienne cédait « en toute propriété, purement et simplement, et sans aucune exception, à Sa Majesté Catholique et à ses Successeurs à perpétuité, tout le pays connu sous le nom de Louisiane, ainsi que La Nouvelle-Orléans et l'Isle dans laquelle cette ville est située ». L'appellation île pour désigner la contrée où s'étendait chaque jour davantage La Nouvelle-Orléans s'expliquait par la topographie des lieux.

Weitere Kostenlose Bücher