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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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M. de Ulloa de prendre possession de cette colonie. […] Cette conjoncture nous oblige, M. Aubry et moi, à continuer le gouvernement et l'administration sur le pié [sic] où elle est encore, ce dont je suis fort peiné, d'autant que je me retrouve par là dans la nécessité où j'étais de constituer le roi dans de nouvelles dépenses, entre autres objets pour l'achat de presque tout ce qu'il faudra consommer pour son service ; caves et magasins d'ici sont très dépourvus de tout, comme j'ai eu l'honneur de vous en prévenir, Monseigneur, en particulier en commun avec M. Aubry. »
    Les militaires français étant restés insensibles aux arguments des officiers espagnols et aux exhortations de MM. Aubry et Foucault, M. de Ulloa confirma qu'il ne prendrait pas possession de la Louisiane, ni n'en assumerait l'administration, donc les frais, tant qu'il ne disposerait pas d'une force capable de soutenir son autorité. C'est ainsi que naquit dans cette colonie un gouvernement mixte d'où allait découler, pour les Espagnols comme pour les Français, la situation unique et paradoxale d'une colonie appartenant à une nation et gérée par une autre ! Instable, ambigu, générateur d'une foule de conflits, ce type de gestion allait conduire la Louisiane au chaos, Ulloa à sa perte et quelques Français au poteau d'exécution.
    Après avoir fait savoir que la solde des soldats français inactifs serait ramenée à sept livres par mois, alors que les militaires espagnols percevaient trente-cinq livres, et qu'aucun équipement ne serait désormais distribué à ceux qui ne voulaient pas servir le roi d'Espagne, le Sévillan prit, le 4 mai 1766, un décret qui allait lui attirer l'hostilité de la population. En suspendant le paiement des lettres de change, Ulloa jeta la consternation dans toute la colonie, où le montant de ces effets en attente de règlement atteignait la somme record de un million cent quatre-vingt-douze mille livres. Dans un pays sans ressources en numéraire, cette décision détruisit le peu de confiance que les colons avaient jusque-là accordée aux Espagnols. Les Acadiens, qui arrivaient chaque mois plus nombreux avec de la monnaie de carte, dont personne ne voulait plus, et des lettres de change, que le trésorier espagnol refusait d'honorer, se trouvaient dans le dénuement le plus complet.
    Ayant signé ce décret, qui devait agir comme une véritable bombe à retardement, M. de Ulloa choisit d'aller visiter le pays. Il mobilisa sa petite troupe espagnole, emprunta quatre bateaux et, accompagné de l'ingénieur Joseph Dubreuil, remonta le Mississippi. Tour à tour, les colons de Pointe-Coupée, des Cannes-Brûlées, du pays des Natchitoch, les concessionnaires, les Acadiens et les Allemands reçurent le gouverneur avec courtoisie. Ce dernier regagna La Nouvelle-Orléans satisfait de ces contacts, mais conscient des difficultés de sa tâche. Le capitaine Aubry, rendant compte au duc de Choiseul de l'inspection de M. de Ulloa, se fit l'écho des propos de ce dernier : « La connaissance exacte que M. de Ulloa a de cette colonie lui a bientôt fait comprendre combien le gouvernement en était difficile. Il sait qu'il ne sera pas aisé de concilier à la fois les intérêts et les caractères des différentes nations qui sont ici présentement et que telles sages précautions que l'on prenne on aura bien de la peine à y entretenir la paix et l'union. Il voit que, depuis le haut de la colonie jusqu'au bas, on ne rencontre de toutes parts que des Anglais et des Sauvages, ce qui occasionne une continuelle succession d'événements souvent tragiques et toujours inquiétants. […] Il voit que les Anglais ayant Pensacola et la Mobile, avec la libre communication du fleuve et des lacs, on est absolument obligé de fortifier la base de la colonie pour mettre l'île de La Nouvelle-Orléans en sûreté et qu'on est également dans l'indispensable nécessité de fortifier, non seulement l'entrée de toutes les rivières qui viennent du côté du Mexique, mais aussi le haut de la colonie, c'est-à-dire le pays des Illinois où ils peuvent [les Anglais] tout d'un coup pénétrer par le Canada et la Belle-Rivière. À cet égard, les intérêts de Leurs Majestés Catholique et Très Chrétienne sont les mêmes. »

    Un mariage trop discret
    Antonio de Ulloa, décidé à protéger le territoire des convoitises britanniques, estima que le premier accès à contrôler était celui des bouches du

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