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Au Pays Des Bayous

Au Pays Des Bayous

Titel: Au Pays Des Bayous Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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main d'argent reconnut l'écriture de son chef, dont il ne savait rien depuis deux ans, et crut au récit rassurant du prêtre.
    Au printemps 1685, Henry de Tonty, prévenu par un courrier de Paris émanant du ministère de la Marine que M. de La Salle avait débarqué à l'embouchure du Mississippi (l'information avait dû être donnée par Beaujeu à son retour d'Amérique), s'était empressé d'aller, comme prévu, à la rencontre de son chef. Avec une petite troupe de vingt-cinq hommes et un contingent d'Indiens, il avait, comme en 1682, descendu le Mississippi et était arrivé dans le delta le 10 avril. Il y avait séjourné une dizaine de jours, fort déçu de ne pas y trouver La Salle. Il avait tout de même fait construire un fortin et envoyé, sur quelques lieues au long de la côte, de part et d'autre du fleuve, deux canots montés par des éclaireurs chargés de s'informer auprès des Indiens de la présence éventuelle des Français dans la région. Mais en avril 1685 M. de La Salle se trouvait à des centaines de kilomètres de là, ce que Tonty ne pouvait imaginer. Convoqué à Québec par le nouveau gouverneur, marquis de Denonville, « brave et vertueux gentilhomme » d'après Saint-Simon, successeur du triste La Barre destitué par le roi, c'est la mort dans l'âme que l'intrépide manchot avait repris le chemin du nord. Aussi fut-il bien aise d'apprendre par l'abbé Cavelier que M. de La Salle, qu'il croyait à jamais perdu, « travaillait à créer deux ports sur le golfe du Mexique », l'un à la baie Saint-Louis, aujourd'hui baie de Matagorda, l'autre près de l'embouchure du Mississippi. C'est en ajoutant qu'il était chargé par son frère de porter ces informations à la cour que le sulpicien avait présenté le papier ordonnant qu'on lui fournît les moyens financiers de passer en France, avec le récollet et qui bon lui semblerait. Tonty ne se fit pas prier et délivra sur-le-champ au prêtre deux mille six cent soixante-deux livres que M. de La Salle disait, dans sa lettre, devoir à son frère, plus des peaux de castor dont l'abbé Cavelier tira, paraît-il, sept mille livres en arrivant à Québec.
    Au marquis de Denonville l'abbé Cavelier raconta la même fable qu'à Tonty et ce n'est qu'arrivé en France, le 9 octobre 1688, qu'il avoua la vérité à Seignelay, lequel était d'ailleurs à la veille de l'apprendre par une autre source.
    En Louisiane, Henry de Tonty avait en effet eu connaissance de la tuerie du 19 mars 1687. De passage au fort Saint-Louis des Illinois, le traitant Couture, résidant habituellement chez les Arkansa, rapporta qu'il avait hébergé l'abbé Cavelier, le père Douay, Joutel et leurs compagnons en route pour le Canada. Il avait aussi recueilli les confidences du jeune Barthélemy qui, séduit par une Indienne, avait décidé de partager la vie du collecteur de fourrure. Couture raconta donc ce qu'il savait de la mort de M. de La Salle. Il ajouta des détails si révoltants sur le comportement de l'explorateur assassiné que Tonty marqua quelque scepticisme quant à la réalité des faits. D'après Barthélemy, cité par Couture, M. de La Salle était devenu d'humeur bizarre et irascible depuis qu'il avait pris conscience de l'échec de l'expédition. « Il entra dans un tel chagrin, pour ne pas dire désespoir, écrit Couture le 1 er  mars 1690 en rapportant une nouvelle fois les propos de Barthélemy, qu'il ne connaissait et ne ménageait plus personne. Il n'assistait plus à la messe ni à la prière et ne s'approchait plus des sacrements depuis deux ans. Il traitait M. Cavelier, son frère, avec le dernier mépris, l'ayant chassé de sa table et ne lui faisant donner qu'une poignée de farine pendant qu'il mangeait du bon pain. Il a tué lui-même, de sa main, quantité de personnes et ses douze charpentiers, à coups de levier, ne travaillant pas à son gré. Il n'épargnait pas même les malades dans leur lit, les tuant impitoyablement sous prétexte qu'ils ne faisaient les malades que pour ne pas travailler. Il a arraché les deux yeux à un jeune homme qui vivait encore il y a plus de trois ans, sans parler de ceux qu'il a fait pendre, ou passer par les armes fleuredelisées. Et en un mot, de quatre cents personnes qu'il avait amenées de France, sans compter plusieurs jeunes gens et officiers de Saint-Domingue qui s'étaient joints à lui, il n'en restait que trente. » Ce portrait si noir de Cavelier de La Salle est heureusement

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