Au Pays Des Bayous
(Massachusetts) et Fort Loyal (Maine). Les Acadiens ne purent empêcher leurs alliés indiens de massacrer, à l'occasion de ces attaques, près de deux cents personnes ni d'emmener en captivité une trentaine de femmes. Ces procédés cruels exaspérèrent les colons britanniques, qui obtinrent que fût montée, à la fois par terre et par mer, une expédition contre Québec. Trente-quatre vaisseaux, transportant mille deux cents hommes, quittèrent Boston tandis qu'une troupe à laquelle devaient se joindre, au long du parcours, des centaines de guerriers Iroquois commença à remonter la vallée de l'Hudson. Les Français, peu nombreux mais bien préparés et bien armés, attendaient la marine de Sa Majesté. À peine débarqués, les mille deux cents soldats de sir Williams Phips furent mis en déroute par les canons de Frontenac et ne pensèrent qu'à rembarquer. Comme les boulets français s'en prenaient aussi aux vaisseaux britanniques, l'escadre penaude remit prestement le cap sur Boston. Comble de malchance pour ce corps expéditionnaire en retraite, une tempête survint, qui noya un millier d'hommes, puis une épidémie lui succéda, qui tua une bonne partie des survivants. Quant à la troupe envoyée par voie de terre, elle fit demi-tour en arrivant au lac Champlain, les Iroquois ayant refusé de s'engager dans une guerre contre les Français et les Abnaki.
C'est dans cette ambiance de guérilla permanente que Daniel Coke, un ancien médecin de Charles II d'Angleterre, devenu copropriétaire, avec un groupe de spéculateurs, de ce qu'on nommait alors West New Jersey, et d'un vaste domaine dans la Caroline, eut l'idée, après avoir lu les ouvrages du père Hennepin, de coloniser à son profit le bas Mississippi en y transportant des huguenots, français, hollandais et peut-être allemands. Il obtint, pour ce faire, l'autorisation de Guillaume d'Orange, devenu Guillaume III.
Le souverain devait l'éviction de Jacques II et son accession au trône à des troupes où figuraient bon nombre de protestants français et hollandais réfugiés. Or, depuis que le Parlement avait décidé que l'armée permanente ne pourrait compter que sept mille hommes, tous anglais, il lui fallait licencier les auxiliaires étrangers à qui le Parlement refusait la nationalité britannique. Guillaume III ne pensait donc qu'à se débarrasser de ces gens avant qu'ils ne lui reprochent son ingratitude et causent des troubles dans Londres. Les nouvelles colonies d'Amérique, le Massachusetts, la Pennsylvanie, la Virginie et surtout la Caroline, pouvaient en accueillir beaucoup et l'on tenta de convaincre les démobilisés d'aller chercher fortune de l'autre côté de l'Atlantique.
L'idée de Daniel Coxe ne pouvait donc que plaire à ce roi, à qui Hennepin avait dédié sa Nouvelle Découverte et fait des offres de service. Le docteur Coxe fut donc invité à prendre contact avec le missionnaire pour organiser l'émigration des huguenots français et hollandais en Louisiane. La chose était plus facile à suggérer qu'à faire, car le récollet imaginatif demeurait introuvable. Il se prélassait alors à Cadix, en attendant de se faire oublier par tous. Le propriétaire du West New Jersey décida, avec l'aide de lord Lonsdale, chancelier de l'Échiquier, de passer sans le concours du prêtre à la réalisation de son projet. Il vendit ses terres à une société composée de quarante-huit spéculateurs de son acabit et commença à organiser sa compagnie d'immigration. Dès le 2 mai 1698, Coxe lança le projet en publiant des prospectus vantant les charmes d'une contrée qu'il ne connaissait que par les récits des voyageurs. En dépit de l'appui du roi d'Angleterre, qui s'était engagé à envoyer à ses frais six cents ou huit cents réfugiés français, principalement des vaudois, dès que les premiers Anglais auraient pris pied en Louisiane, la tentative échoua.
Les agents de Pontchartrain en Angleterre avaient signalé, dès le 18 juin 1698, au ministre de la Marine que Guillaume III venait d'accorder des lettres patentes « à deux seigneurs et trois capitaines de navires pour aller au Mississippi avec quatre compagnies de protestants français accompagnés de leurs ministres ». Quand, près d'un an plus tard, les trois vaisseaux de l'expédition Coxe se présentèrent dans les bouches du Mississippi, ils y trouvèrent les Français commandés par Iberville qui, à la tête d'une troupe déterminée, portée par
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