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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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de plus que Sébastien. Bien que solide, à cause de la vie qu’il avait menée, il sentait néanmoins que sa résistance physique ne pouvait se comparer à leur vivacité de jeunes animaux. S’il était heureux de galoper à travers la campagne, c’était en réaction contre l’amollissement de deux jours de vie londonienne, et pour se maintenir en bonne santé, tandis que, pour eux, remonter la vallée à bride abattue au milieu des fougères, en poussant des cris sauvages et en agitant leurs chapeaux, c’était l’expression naturelle de leur exubérance. Ils s’arrêtèrent côte à côte pour attendre Anquetil ; le vaste panorama des champs et des lointaines collines s’ouvrait derrière eux ; il ralentit son allure, car il aimait les regarder et il savait qu’il emporterait avec lui l’image inoubliable de ces deux êtres joyeux et souples, au milieu des fougères, avec les chevaux qui martelaient le sol de leurs sabots et Sarah et Henry étendus à leurs pieds, haletants.
    * * *
    Si Anquetil avait été surpris de se trouver encore à Chevron après le déjeuner, il le fut bien davantage quand il eut accepté de rester jusqu’au lendemain matin. Mais, maintenant, il n’était plus l’invité de la duchesse, il était celui de Sébastien et de Viola ; il n’était plus un étranger, un spectateur, tour à tour maussade, méprisant, ou amusé ; il faisait partie d’un heureux et insouciant trio. Il avait remarqué le changement qui s’était produit chez les deux enfants dèsque leur mère avait quitté la maison. Elle était partie au milieu d’une rafale de coussins, de valises, de cache-poussière, de mille choses inutiles qu’il fallait porter à la main et empiler à l’arrière du coupé ; les domestiques ne savaient où donner de la tête ; on avait tout oublié à la dernière minute. Button et Wace avaient été harcelées, tarabustées ; Button était demeurée imperturbable sous l’affront, mais Wace, perdant son sang-froid, avait les larmes aux yeux, le nez rouge, et cherchait son mouchoir dans la poche de son jupon ; la pauvre fille était particulièrement laide avec son chapeau plat et son long manteau de toile marron. Toute cette scène était dominée par la crainte que la duchesse manquât le train. Anquetil pensa qu’il partirait pour le pôle Sud avec moins de fracas. Enfin, elle avait disparu, seule au fond du coupé, tandis que Button et miss Wace suivaient, secouées et ballottées, dans la bruyante charrette.
    — À samedi, avait-elle crié aux enfants par la fenêtre.
    — Peut-être vous trouverai-je encore ici, avait-elle lancé à Anquetil, qui ne sut si c’était une ironie ou une invitation.
    Aussi avait-il souri et fait un signe de tête ; mais la duchesse était déjà occupée à rattraper un paquet qui glissait et, l’instant d’après, le coupé l’avait mis hors de toute atteinte. Anquetil était heureux d’avoir assisté à cette petite comédie.
    — À nous, maintenant, avait dit Sébastien.
    Et Anquetil savait que, seule, sa bonne éducation l’avait empêché d’en dire davantage.
    — Quels enfants charmants, songea-t-il ; naturels, spontanés, intacts.
    Simples ? Il n’allait pas jusqu’à l’affirmer, bien qu’ils fussent certainement simples dans le bon sens du mot, c’est-à-dire qu’ils s’amusaient facilement et riaient sans contrainte. Anquetil, qui avait des idées arrêtées, n’aimait pas les jeunes gens blasés 3 et ces deux-là ne l’étaient point, bien qu’ils eussent toutes les raisons de l’être. Il n’aurait pas perdu son temps avec Sébastien s’il n’avait vu en lui qu’un jeune aristocrate, charmant par éducation, et sans rien de plus qu’un grain de romantisme qu’il devait à sa naissance, à sa fortune, à sa jeunesse et à sa beauté. Ce qui l’intriguait, c’est que Sébastien, pareil à un jeune poulain, n’était pas encore habitué à la bride, et ne le serait sans doute jamais. Il pourrait porter sagement son cavalier pendant un an, ou même davantage, mais un jour viendrait où il le désarçonnerait. De plus, Anquetil, très sensible à ces choses, avait remarqué, ce jour-là, chez Sébastien, une impétuosité particulière. Naturellement, il ne connaissait pas assez le jeune homme pour voir jusqu’à quel point il différait de son état normal. Néanmoins, il était persuadé que l’enfant était en train de traverser une crise. Il se demanda quelle pouvait être cette

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