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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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monde enchanté, il lui avait révélé un autre aspect de lui-même, le plus secret, le plus romanesque de tous…
    Ils avaient atteint la chambre de la reine Élisabeth, où le grand lit à baldaquin de satin feu et argent montait jusqu’au plafond. Sébastien alla tirer les rideaux. Il savait que le moment était venu, celui qu’il avait préparé pendant toute cette journée. Cependant, il oublia presque Thérèse et ses machinations prudentes devant la splendeur qui s’étalait sous ses yeux. Le jardin tout blanc reposait dans un magnifique clair de lune. La pièce s’illumina soudain ; les personnages de la tapisserie ressuscitèrent, l’argenterie s’éclaira, le parquet brilla comme un lac d’argent. Doucement, Sébastien éteignit les bougies et la chambre fut plongée dans une lumière métallique. Le manteau d’or de Thérèse blanchit aussi quand elle se glissa dans l’embrasure de la fenêtre, à côté de Sébastien. Tous deux gardaient le silence. Le bras de Thérèse, qu’elle avait dégagé de son manteau, s’appuyait sur le rebord de la fenêtre. Sébastien posa sa main sur celle de sa compagne.
    — Thérèse, dit-il, sur un ton qu’elle ne lui avait jamais entendu, de même qu’elle ne l’avait jamais entendu l’appeler par son prénom.
    Et il se mit à parler du grand lit plein d’ombre, de son désir, de leur solitude, de l’heure si belle et si propice.
    — Ils ne lâcheront pas leur bridge avant minuit, expliqua-t-il.
    Et il entreprit de lui décrire les joies qu’ils pourraient vivre pendant les années futures. Mais pourquoi laisser échapper la minute présente ? La neige, le clair de lune, leur isolement, il invoquait tout cela en faveur de son désir. Thérèse pensa à John, assis dans le grand salon, jouant au bridge avec des enjeux qui dépassaient leurs moyens, John, qu’elle avait décidé, malgré lui, à venir à Chevron pour Noël ; John qui lui avait donné un chèque de cinquante livres ; John qui lui avait demandé une fois s’il n’y avait « rien de mal » entre elle et ce jeune duc et qui, devant ses dénégations indignées, lui avait presque fait des excuses. Elle repoussa Sébastien. Elle le haïssait presque.
    — Il faut que vous soyez fou, dit-elle, pour penser que je suis de ces femmes-là.
    Sébastien demeura stupide. N’avait-il pas vécu au milieu de femmes qui attachaient peu d’importance à de telles infidélités ? Et puis, n’avait-il pas lu l’adoration dans les yeux de Thérèse ?
    — Thérèse, je vous en prie, ne perdons pas de temps. Ne jouez pas avec moi. Vous savez bien que je suis amoureux de vous, et, moi, je crois que vous m’aimez… À quoi bon tous ces scrupules ?
    Thérèse se boucha les oreilles pour ne pas entendre cette profession de foi grossière et révoltante.
    — John ! cria-t-elle d’une voix étouffée, comme si elle appelait au secours.
    — John ! fit Sébastien, stupéfait.
    Le nom de son mari, en un tel moment, le choqua comme un manque de tact.
    — Mais John est au courant, vous pouvez en être sûre ; autrement, il n’aurait jamais consenti à vous amener ici…
    — Quoi ? fit Thérèse, ôtant les mains de ses oreilles, et le regardant, ahurie. C’est ce que vous croyez ? Vous croyez que John savait que vous étiez amoureux de moi et qu’il fermait les yeux ? Vous croyez que John et moi, nous sommes des gens de cette espèce ?
    — Oh ! dit Sébastien, fou de colère, ne répétez pas tout le temps « des femmes de cette espèce », « des gens de cette espèce ». Cela ne veut rien dire…
    — Cela veut dire beaucoup de choses… Cela veut dire que John et moi, nous nous aimons, que, lorsque nous nous sommes mariés, nous avions l’intention de continuer de nous aimer et d’être fidèles l’un à l’autre. Voilà comment nous comprenons le mariage. Je sais que ce n’est pas ainsi que vous le comprenez, vous et vos amis. Je suis désolée d’avoir pu vous donner l’impression que j’étais amoureuse de vous. Je ne crois pas l’avoir jamais été, et, si je vous avais aimé, je vous aurais demandé de partir et de ne jamais me revoir. Vous m’aviez émerveillée, je vous admirais, je vous regardais vivre et je pensais à vous ; en un sens, peut-être, je vous adorais presque, mais ce n’est pas cela, être amoureuse.
    Après ce petit discours, Thérèse s’arrêta pour reprendre haleine. Elle s’enferma dans son manteau et fixa sur Sébastien un

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