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Au temps du roi Edouard

Au temps du roi Edouard

Titel: Au temps du roi Edouard Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sackville-West
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regard triste, mais décidé :
    — Je ne voudrais pas vous faire de peine, murmura-t-elle, plus douce, mais il faut que vous sachiez ce qu’il en est. Je sais qu’il est aussi difficile pour vous de comprendre nos idées que pour nous de comprendre les vôtres. Je sais que vous êtes en train de penser que vous me méprisez et vous vous demandez comment vous avez pu perdre votre temps avec une petite bourgeoise 3 comme moi. À dire vrai, je me le demandais aussi. Je savais que je vous plaisais et j’en étais fière. Mais je n’ai jamais pris cela au sérieux. Vous représentiez pour moi ce que j’avais tant désiré… En somme, je n’ai jamais beaucoup réfléchi à notre histoire, je vous admirais tant !… Quand vous m’avez demandé de venir à Chevron, je suis presque morte de joie… Maintenant, vous pouvez mesurer à votre aise toute ma sottise. Vous m’offriez des bonbons, et je les acceptais. Mais j’aime John, et c’est mon mari.
    — Et si vous ne l’aimiez pas ? demanda Sébastien.
    — Cela ne changerait rien, répondit Thérèse. Le mariage, c’est le mariage, n’est-ce pas ? (pas dans votre monde, peut-être, mais dans le mien) et je serai fidèle à ma croyance. Personne, autour de moi, ne me parlerait plus si je trompais John… Enfin, vous le savez bien…
    Sébastien, maintenant, n’était plus ému. Quand Thérèse avait commencé de parler, il avait admiré sa dignité, mais il lui semblait qu’elle avait glissé tout à coup d’un plan fondamental à quelque chose de méprisable. Il ne fallait pas confondre l’amour et lavertueuse classe moyenne. La vertu de Thérèse était aussi déplaisante que celle de Sylvia Roehampton, qui les avait sacrifiés, lui et elle, à sa position sociale. Sébastien était en colère parce qu’il voyait son caprice se briser contre un roc. Ne trouverait-il jamais de courage moral en ce monde ? Il lui semblait, maintenant, que c’était la seule chose qui importât. Au contact de la société, aussi bien que des classes moyennes, il s’était enlisé dans la glu des conventions et de l’hypocrisie. Il était fou furieux. Il employa la colère (une colère qui n’était pas feinte) ; il employa la persuasion, mais rien ne put ébranler Thérèse. Elle avait du chagrin, des regrets, mais elle demeurait doucement inflexible.
    La grosse horloge sonna là-haut et avertit Thérèse de son absence.
    — Que va penser John, que vont-ils tous penser ? Il faut partir ! s’écria-t-elle en le tirant par le bras.
    Elle était effrayée et ne désirait qu’une chose : retourner dans les bras de John.
    — Venez, implora-t-elle.
    Sébastien ne bougea pas ; il était accoudé sur le rebord de la fenêtre, farouche et indifférent à toute prière humaine.
    — Je vous en supplie ! cria-t-elle puérilement.
    Et elle ajouta avec désespoir :
    — Je ne peux vous laisser seul ici, mais il faut que je m’en aille.
    Puis elle plaida la seule raison qui, pour elle, devait le convaincre. Ce fut un choix malheureux.
    — Pensez à moi, dit-elle ; pensez à John, pensez à ma réputation…
    Sébastien éclata de rire. Il y avait si loin de sa cause à ses propres sentiments !
    — Votre réputation ? Qu’importe votre réputation ? Ô épouse timide et vertueuse !
    Il savait que son attitude était non seulement indigne, mais théâtrale, et il s’y enfonçait délibérément. Il avait honte de se voir, pour la première fois de sa vie, à travers les yeux d’un autre, de voir son égoïsme, son indulgence pour lui-même, son arrogance, ses déclarations frivoles. Il était aussi puéril qu’elle, et il traversait aussi ce que Wacey appelait une crise de fureur. Or, quand on est en colère, toutes les rancunes passées viennent s’ajouter à la douleur présente. Il avait désiré Thérèse, Thérèse l’avait repoussé ; il avait voulu Sylvia, Sylvia l’avait repoussé ; et, par un processus naturel, il se rappelait encore Chevron, sa haine pour ses amis, les chaînes qu’on avait liées autour de lui dans son berceau comme des rubans, et les moqueries de Léonard Anquetil.
    — Vous ne partirez pas, déclara-t-il, esquissant un geste vers Thérèse.
    Mais elle lui échappa ; elle s’enfuit de la chambre splendide, laissant son manteau là où il était tombé, dans un rayon de lune. Quand elle eut disparu, Sébastien regarda le manteau ; l’or chiffonné était terni ; la doublure de zibeline était aussi noire que

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