Avec Eux...
Je suis souvent retournée dans les mêmes pays, les mêmes lieux, que ceux où jâétais allée avec Nicolas pour des tournages de télévision, mais évidemment pas de la même manière. Là où nous étions passés en 4 à 4, dans la poussière des pistes, nous roulions cette fois dans des voitures officielles, le plus souvent blindées et munies dâun gyrophare, des officiers de sécurité précédaient ces véhicules. Ce nâétaient plus des lions ou des hippopotames que jâallais rencontrer, mais des ministres des Affaires étrangères, voire des chefs dâÃtat dans différents pays du monde. Et franchement, le parallèle avec ma vie précédente était particulièrement décaléâ¦
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Jâai toujours été à la fois lâauteur et la spectatrice de ma propre existence. Combien de fois mâest-il arrivé de me retrouver dans un dîner officiel au côté dâun grand de ce monde, et de me poser intérieurement cette question existentielle : « Qui suis-je pour être là  ? » En fait, je nâai jamais vraiment répondu à toutes ces questions. Ma vie mâa emportée dans un tourbillon dâhistoires paradoxales, sans que jâaie eu à demander quoi que ce soit. La vie mâa fait des signes en permanence. Je me suis toujours dit quâil fallait que je sois à la hauteur des rôles ou des fonctions quâil mâétait donné dâexercer, et je les ai exercés le mieux possible, à quelques erreurs près, bien sûr, mais ces erreurs mâont enrichie comme souvent les faux pas font grandir.
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Attention, ce ne fut pas non plus un long fleuve tranquille. Dâun bout à lâautre du monde en France, en Asie ou en Roumanie, je suis aussi passée par des moments tragiques, voire insupportables⦠En Roumanie, par exemple, jâai vécu lâhorreur quand jâai découvert quâon effectuait des tests de recherche sur le sida sur des bébés, abandonnés à un étage oublié dâun Kamin Spittal (un orphelinat). Ma plus grande victoire est dâavoir pu faire diffuser des images sur ces expériences monstrueuses dont personne nâosait parler, notamment grâce à lâappui et la complicité active dâAnne Sinclair. Jâai traversé les camps au Soudan. Jâai vu le sordide et désespérément ordinaire marché des corps humains, aussi bien en Asie quâà Cuba, jâai regardé dans les yeux ces êtres qui nâont quâune chose à vendre, leur corps, qui nâont dâautres possibilités dans la vie que de subir ce quâon appelle dâun nom un peu léger : le « tourisme sexuel ». Jâai beaucoup lutté contre cela. Et à ce moment de ma vie pourtant bien remplie, ce qui mâhabite, câest la chose humaine, le regard vers lâautre, sa souffrance,qui me touche plus que tout ce qui mâa été donné de vivre par ailleurs, dans le monde futile des paillettes.
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Ma vie a souvent été une traversée de miroirs. Je pouvais passer un moment magnifique à lâÃlysée en compagnie de Philippe Douste-Blazy pour un dîner avec la reine dâAngleterre (ce qui est offert quand même à très peu de gens). Ensuite, avoir un entretien avec Rania de Jordanie, pouvoir parler avec cheikh Fahd Bin Jassim Bin Muhamad Al-Thani, Premier ministre du Qatar, puis faire plaisir au chauffeur du Quai dâOrsay, en lâamenant chez Johnny dont il était fan absolu, et passer la soirée avec Johnny et Laeticia, à nager avec nos enfants dans la piscine de leur maison près de Paris. Tout cela sâenchaînait parfois dans les mêmes vingt-quatre heures.
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Comment raconter cette vie ? Je voudrais essayer de vous dire que si jâai connu lâéclat, le pouvoir et lâargent, jâai en même temps été touchée par les souffrances extrêmes. Et comme je suis une femme probablement trop sensible, je ne peux pas voir souffrir quelquâun à côté de moi et passer mon chemin, jâai donc toujours fait en sorte de pouvoir mâarrêter là où lâon souffrait. Même si cela nâétait pas mon rôle ni ma fonction de mâen préoccuper, jâai fait de mon mieux.
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Le petit monde de
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