Avec Eux...
dans un chalet en bois qui ressemblait à une datcha russe, niché en plein cÅur de la forêt de Rambouillet. Un endroit totalement calme et serein, avec des chevaux, loin de tout. Je vivais alors avec lui, et bien entendu nous travaillions également ensemble. Nicolas était un fou dâhélicoptère et il possédait un Robinson, le plus petit modèle dâhélicoptère, qui ressemble à un petit moustique transparent, maniable comme un oiseau, avec seulement la place pour deux personnes : le pilote et le passager. Rambouillet, câest quand même loin de Paris si on veut sây rendre en voiture, il faut passer par des heures dâembouteillage. Donc jâavoue : il mâest arrivé très souvent de venir travailler à TF1, à Paris, en Robinson.
Oui, bon, je sais : raconté comme ça, je donne sans doute lâimpression dâêtre au sommet des clichés de ce quâon appelle aujourdâhui le « bling bling », de mâassimiler à la jet-society américaine, un genre de Donald Trump qui se pose sur les toits des gratte-ciel pour rejoindre son bureau de maître du monde ! En réalité, câétait juste un moyen pratique dâêtre à lâheure pour travailler, sinon il fallait que je me lève à cinq heures du matin (ce que jâai fait parfois, quandlâhélico ne pouvait pas se déplacer à cause des conditions météo ou dâautres basses contingences). Jâatterrissais à la base dâIssy-les-Moulineaux, dâoù je gagnais mon bureau à TF1, qui se trouve presque en face, de lâautre côté de la Seine. Pour moi, câétait naturel. Cet hélico était comme notre berline familiale. Mais pour les gens, chez TF1, qui apprenaient lâexistence de ce moyen de locomotion pour un trajet quotidien lié au travail, câétait impensable, fou, invraisemblable⦠Ils imaginaient à partir de ce détail simplement pratique une personnalité fictive qui nâétait pas la mienne, du genre : « Cette fille vient travailler en hélico privé ! Comment veux-tu parler avec cette fille-là puisque de toute façon elle vient travailler en hélico chaque matin, et elle rentre le soir en hélico chez elle ? On nâest pas du même monde ! »
Câétait une condamnation de fait, sans que personne puisse admettre que lâengin en question nâétait pas un simple signe extérieur de richesse, même si Nicolas lâutilisait, même si câétait sympa de venir travailler en hélico, de survoler la forêt majestueuse de Rambouillet au petit matin, figée par la fraîcheur de la nuit finissante, et même si toutes les filles de Paris rêvaient de pouvoir dire « Je viens travailler en hélico, avec Nicolas Hulot comme pilote » ! Pour moi, câétait juste une manière dâêtre à lâheure, et je le dis très sincèrement. Dâailleurs je nâavais pas une passion folle pour cet hélico. Câétait un appareil dangereux, qui détient encore le record des accidents et des pannes. En général je nâai pas du tout peur des avions et autre objets volants, mais là , câétait parfois limite, et puis il fallait jongler avec les horaires et la météo. Je devais repartir à une heure précise à certaines périodes de lâannée, pour bénéficier des autorisations de décollage. Ãa peut paraître évidemment bizarre, voire exotique, pour des Français que de lier ses horaires de travail auxplages horaires de lâaviation privée, à la lumière ou à la météo. Pour moi, câétait juste un synonyme de rapidité et surtout dâefficacité. Je perdais moins de temps. Mais je me suis aperçue assez vite que cela me desservait. Je nâaurais surtout jamais dû le dire ; mais pourquoi le dissimuler ? Jâétais assez transparente sur ces choses, ce nâétait pas insolent que de le révéler, ce nâétait pas⦠de la frime !
Je nâavais aucun désir dâen mettre plein la vue aux gens qui, eux, prenaient leur rame de métro bondé chaque matin, je disais juste : « Ce matin, on a failli avoir un problème dâhélico », et puis je me mettais au travail⦠Câest
Weitere Kostenlose Bücher