Avec Eux...
quelque chose qui faisait partie de mon quotidien quand Nicolas nâétait pas en tournage à lâautre bout du monde, et qui mâa valu dâêtre jugée comme une petite star prétentieuse que je nâétais pas, mais qui avait la réputation de vivre comme si elle en était une.
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Cette période a été tellement particulière, à la fois magnifique, échevelée, et aussi florissante, dâune façon qui ferait rêver toute personne qui fait ce métier. Cette fin des années 1980, câétaient les années de tous les possibles et de tous les rêves ! Pour Francis Bouygues, lâoutil télévision était un jouet utile, et les gens qui rentraient dans sa conception du jouet utile devenaient pour lui des sortes de bras armés. Ce nâétait pas son métier de base, câétait avant toute chose un bâtisseur et un constructeur ; je pense quâil aimait ma manière de penser, de jouer, de délirer et de gagner à la fin, mais de gagner de façon joyeuse, surtout pour lui qui vivait dans un monde de chiffres et de gens très pragmatiques. Il fréquentait au quotidien des gens très sérieux, très tristes et surtout très gris, avec des cravates toujours de la même couleur. Je pense que jâétais pour Francis Bouygues un ballon gonflé à lâhélium,coloré comme pour un anniversaire. Un dérivatif festif. Dans mon bureau, il régnait justement une atmosphère de fête dâanniversaire permanente, je mâentourais de gens positifs qui prenaient plaisir dans ce travail.
Au début, câétait à Montparnasse, les gens venaient travailler à vélo, et ils montaient leur vélo dans lâascenseur jusquâau onzième étage. Il y avait avec nous une jeune fille nommée Servane (elle est devenue par la suite une grande créatrice de bijoux) qui faisait du vélo dans les couloirs, et tout en pédalant sur la moquette, elle répétait comme un mantra : « Je réfléchis, je réfléchis, je réfléchisâ¦Â » On aurait pu se croire dans le film Vol au-dessus dâun nid de coucou , mais non, dans ces bureaux aux allures dâasile pour gentils illuminés, on travaillait sans cesse et on inventait la télévision du moment, câest-à -dire le loisir numéro un des Français. Et puis on nâavait pas vraiment le choix, quand même ! Il fallait créer des émissions à succès, sinon ces jeunes garçons et ces jeunes filles de mon entourage auraient été tout simplement virés. Je mâentourais de gens que je sentais, pour lesquels jâavais un vrai feeling, dont je devinais une capacité de création ; je cherchais cela plutôt que des diplômes ou un cursus de hautes études universitaires. Je ne disais pas : « On va prendre un Sciences-Po », « On va prendre un énarque » ! Je voulais des gens capables de créativité, mais surtout de prendre plaisir à ce quâils faisaient, dâêtre les premiers téléspectateurs de leur travail. Des personnalités qui avaient un sixième sens pour être toujours sur le dernier coup qui va sortir, pour avoir vu le dernier film qui va triompher, pour avoir entendu la dernière chanson qui va être un tube⦠Je me nourrissais de tous ces individus, toutes ces sentinelles, jâétais une éponge, dâailleurs je me devais dâêtre une éponge pour bien « recracher », au sens le plus joli du terme, câest-à -dire « exprimer » toutes ces choses dont je me nourrissais toute la journée à travers mon gang de joyeux collaborateurs.
En plus, jâavais choisi des gens qui avaient toujours un look un peu particulier, des gens beaux, pas forcément avec une belle plastique, pas des top-modèles en attente dâêtre découverts, mais des gens avec une âme, avec un beau regard, des gens qui déjà , esthétiquement, étaient attractifs et différents quand ils venaient à un rendez-vous.
Ce nâest certes pas un critère de sélection habituel pour un responsable de programmes, mais câétait le mien.
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Jâétais bien sûr considérée comme la reine de cette ruche, la modératrice de cette créativité foisonnante. Et elle foisonnait tellement que,
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