Azincourt
côtés si tu L’as offensé ? Tu as
attiré Son courroux sur toute l’Angleterre !
— Je n’ai point volé !
plaida Michael.
— De quelle compagnie
est-il ?
— Des archers de lord Slayton,
Sire, répondit sir Edward Derwent en s’avançant et en s’inclinant. Et je doute,
sire, qu’il soit un voleur.
— Le ciboire a été retrouvé sur
lui ?
— Il était dans ses affaires,
Sire, répondit prudemment sir Edward.
— Le gambison n’était point
mien, mon seigneur ! dit Michael.
— Es-tu certain que le ciboire
était dans son bagage ? demanda le roi à sir Edward sans prêter attention
au jeune archer qui s’était jeté à genoux.
— Il y était, Sire, mais je ne
saurais dire comme il y arriva.
— Qui l’a découvert ?
— Sire, c’est moi, dit sir
Martin en surgissant de la foule, son froc souillé d’argile. C’est moi, Sire,
répéta-t-il en s’agenouillant. Et c’est un bon garçon, un chrétien, Sire.
Sir Edward aurait pu protester de
l’innocence de Michael toute la journée sans ébranler la certitude du roi, mais
la parole d’un prêtre avait bien plus de poids. Henry se pencha sur sa selle.
— Me dis-tu là qu’il n’a point
dérobé ce ciboire ?
— Il… commença Hook – mais
Evelgold ne le laissa pas achever.
— Le ciboire a été retrouvé
dans son bagage, Sire, dit sir Martin.
— Or donc ?
Le roi resta perplexe. Le prêtre
venait de défendre l’innocence du jeune homme, et voilà qu’il avançait le
contraire.
— Il est incontestable, Sire,
continua sir Martin d’un ton peiné, que le ciboire fut retrouvé parmi ses
affaires. Cela me désole, Sire, j’en ai le cœur déchiré.
— Cela m’irrite, s’écria le
roi, et Dieu avec moi ! Nous risquons Son déplaisir, Son courroux, pour
une boîte de cuivre ! Qu’on le pende !
— Sire ! s’écria Michael.
Mais il n’y avait ni pitié ni
espoir. La corde était déjà accrochée à une branche ; on passa le nœud au
cou de Michael et deux hommes tirèrent l’autre bout pour le hisser. Le frère de
Hook gargouilla et se débattit puis, lentement, ses contorsions laissèrent la
place à des spasmes, enfin il n’y eut plus rien. Il fallut vingt minutes et le
roi ne le quitta pas du regard. C’est seulement lorsqu’il fut assuré que le
voleur était mort qu’il se détourna. Il descendit alors de cheval et, devant
son armée, alla poser un genou en terre devant le curé de campagne éberlué.
— Nous demandons votre pardon,
dit-il d’une voix forte en anglais, langue que ne comprenait pas le prêtre, et
le pardon du Tout-Puissant.
Il lui tendit le ciboire des deux
mains et le prêtre, effrayé par ce qu’il venait de voir, le prit en tremblant,
puis avec surprise, car la petite boîte était bien plus lourde qu’elle n’aurait
dû. Le roi d’Angleterre l’avait remplie d’écus.
— Qu’on laisse le corps
ici ! ordonna Henry en se relevant. Et que la marche reprenne !
Il sauta en selle et s’éloigna,
suivi de ses courtisans, tandis que Hook allait à l’arbre où était pendu son
frère.
— Mais que fais-tu donc ?
lui demanda sir John.
— Je vais l’ensevelir.
— Tu es un fou, Hook, dit sir
John en lui flanquant une gifle de sa main gantée.
— Il n’avait point volé !
protesta Hook.
Sir John le frappa de nouveau.
— Peu importe qu’il ait ou non
volé, gronda-t-il. Dieu exigeait un sacrifice et Il l’a eu. Peut-être
aurons-nous la vie sauve parce que ton frère est mort.
— Il n’a point volé, il n’a
jamais volé, il était honnête !
La main gantée frappa son autre
joue.
— Et tu ne contesteras point
les décisions de notre roi, dit sir John. Et tu ne l’enseveliras point, car le
roi ne l’a point voulu ! Tu as de la chance, Hook, de n’être point pendu
auprès de ton frère avec de la pisse coulant le long de tes jambes. À présent,
monte en selle.
— Le prêtre a menti !
— C’est son affaire, et non la
mienne, et certainement point celle du roi. Remonte en selle ou je te fais couper
les oreilles !
Hook obéit. Les autres archers
l’évitèrent, le sentant frappé par le mauvais sort. Seule Mélisande vint à son
côté.
Les hommes de sir John furent les
premiers sur la route. Hook, amer et étourdi, se rendit à peine compte qu’il
dépassait les hommes de lord Slayton, et c’est seulement quand Mélisande siffla
qu’il remarqua les archers qui avaient naguère été ses camarades.
Weitere Kostenlose Bücher