Azincourt
Thomas
Perrill arborait un sourire triomphal en désignant son œil, indiquant par là
qu’il accusait toujours Hook d’avoir tué son frère, tandis que sir Martin
fixait Mélisande et souriait en voyant les larmes de Hook.
— Tu les tueras tous, lui
promit Mélisande.
Si les Français ne s’en chargeaient
pas avant lui, se dit Hook. Ils descendirent la colline vers la Somme et vers
l’unique espoir de l’armée : un gué ou un pont qui ne serait pas gardé. Et
il recommença à pleuvoir.
Il n’y avait pas un gué, mais deux
et, mieux encore, aucun n’était gardé. L’armée française n’avait pas parcouru
la distance qui l’en séparait et les Anglais, en arrivant aux abords du vaste
marécage qui bordait la Somme, ne virent qu’une immensité déserte au-delà de la
rivière.
Les premiers éclaireurs rapportèrent
que la rivière était en crue en raison des pluies, mais que les gués étaient
encore praticables. Cependant, l’armée devait d’abord emprunter une chaussée
surélevée traversant les marécages sur une demi-lieue ; mais les Français
en ayant abattu les talus en plein milieu, il y avait là une étendue boueuse et
gluante. Les éclaireurs l’avaient franchie mais, leurs chevaux s’étant enfoncés
jusqu’au genou, aucune des charrettes ne pourrait s’y aventurer.
— Nous rebâtirons les digues,
décida le roi.
Il fallut presque toute la journée.
Une grande partie de l’armée reçut l’ordre de démanteler un village voisin afin
d’utiliser solives, madriers et poutres pour les fondations. Des bottes de
chaume, fagots et terre furent jetés par-dessus, afin de former une nouvelle
chaussée pendant que l’arrière-garde se mettait en formation pour protéger
l’ouvrage de toute attaque venant du sud. Rien ne vint. Des cavaliers français
les observaient à bonne distance, mais ils étaient peu nombreux et ne tentèrent
rien.
Hook ne participa pas aux travaux
parce que l’avant-garde avait eu ordre de traverser la rivière avant les travaux.
Ils avaient laissé leurs chevaux et traversé péniblement à pied le marécage
jusqu’à l’autre portion de chaussée. Ils traversèrent ensuite le gué sur la
Somme en pataugeant et en tenant leurs arcs et flèches au-dessus de leurs
têtes. Hook tremblait en avançant dans la rivière : quelques hommes, ayant
glissé, avaient été emportés par le courant. Il ne savait pas nager et
craignait que l’eau ne lui arrive jusqu’à la tête ; mais petit à petit, le
sol remonta et, après avoir franchi des roseaux, il gravit la rive nord. Ils
étaient les premiers à avoir franchi la Somme.
Sir John ordonna à ses archers de
pousser un quart de lieue au nord, où une haie et un fossé serpentaient entre
deux vastes pâturages.
— Si ces maudits Français
arrivent, dit-il, tuez-les.
— Vous pensez que leur armée va
venir, sir John ? demanda Evelgold.
— Celle qui nous suivait le
long de la rivière ? Ces gueux seront là bien assez tôt. Mais la grande
armée ? Dieu seul le sait. Espérons qu’ils nous croient encore au sud de
la rivière.
Et même si seulement une petite
troupe arrivait, se dit Hook, les quelques archers de l’avant-garde ne
pouvaient espérer l’arrêter. Il s’assit près du fossé sous un aulne mort,
l’esprit songeur. Il avait été un mauvais frère. Il ne s’était pas occupé
convenablement de Michael, et, en toute sincérité, il se rendait compte que le
caractère confiant et l’optimisme inébranlable de celui-ci avaient fini par
déteindre sur lui. Thomas Scarlet, qui avait perdu son frère jumeau au fil de
l’épée de Lanferelle, vint s’accroupir auprès de lui.
— Je suis navré pour Michael,
dit-il maladroitement. C’était un bon garçon.
— Il l’était.
— Matt aussi.
— Si fait. Et bon archer.
Ils fixèrent le nord sans un mot.
Sir John leur avait dit que l’arrivée des Français serait trahie par des
éclaireurs à cheval, mais ils ne virent personne.
— Michael s’accrochait toujours
à la corde, dit Hook. J’avais beau lui enseigner, il n’y arrivait point. Cela
lui faisait manquer sa cible.
— C’est vrai.
— Jamais il n’a appris. Et il
n’a jamais volé non plus cette maudite boîte.
— Il ne m’a jamais paru un
voleur.
— Il ne l’était point !
Mais je sais qui l’a volée et je l’égorgerai.
— N’attends point trop, Nick.
— Si les Français nous
rattrapent, cela n’aura plus d’importance. Je
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