Azincourt
chemin de l’église. Un hurlement triomphal s’éleva quand
ils le repérèrent et Hook, désespéré, s’enfuit dans une impasse, escalada le
mur et s’étala dans une courette pestilentielle, passa un deuxième mur et,
cerné par les cris et tremblant de peur, se terra dans un coin sombre pour
attendre la fin.
C’est ce qu’aurait fait un cerf
traqué. Quand il voyait qu’il n’y avait plus d’issue, il se figeait,
frissonnant, et attendait la mort qu’il devait pressentir. Hook tremblait.
Comme Wilkinson lui avait dit qu’il valait mieux se tuer que se laisser prendre
par les Français, il porta la main à son couteau mais ne put le dégainer.
Puisqu’il était incapable de se tuer, il attendit qu’on le fasse pour lui.
Puis il se rendit compte que ses
poursuivants avaient abandonné leur traque. Il y avait beaucoup à piller à
Soissons, et tant de victimes qu’un simple fuyard ne pouvait les intéresser.
Hook reprit lentement ses esprits et vit qu’il avait trouvé un refuge
provisoire. Il se trouvait dans l’arrière-cour de la Taverne à l’Oie, là où on
lavait et réparait les tonneaux. La porte de la taverne s’ouvrit soudainement,
et une torche éclaira les tréteaux et les barriques. Un homme scruta la cour,
marmonna et rentra dans la taverne où une femme poussa un cri.
Hook resta immobile. La cité
résonnait de cris de femmes, de pleurs d’enfants et de rauques rires d’hommes.
Un chat se faufila non loin. Les cloches avaient cessé de sonner depuis
longtemps. Il ne pouvait rester ici : l’aube allait venir. Mon Dieu,
mon Dieu, pria-t-il inconsciemment, sois avec moi à présent et à l’heure
de ma mort. Il frissonna. Des sabots résonnèrent dans la rue, un homme
s’esclaffa, une femme geignit. Des nuages passèrent devant la lune et, sans
savoir pourquoi, Hook songea aux blaireaux de Beggar’s Hill ; ce souvenir
du pays apaisa sa panique.
Il se leva. Peut-être pouvait-il
gagner l’église ? Elle était beaucoup plus proche que le château, et sir
Roger avait promis de tenter de sauver la vie des archers. L’espoir était
mince, mais Hook, ne voyant pas d’autre issue, se hissa sur le mur pour
regarder de l’autre côté, où se trouvaient les écuries de la Taverne à l’Oie.
N’entendant pas un bruit, il escalada le mur, avança prudemment sur le toit des
écuries en restant sur la solive centrale, gagna l’autre côté et sauta dans une
ruelle sombre. Puis, lentement et sans un bruit, il avança jusqu’au bout vers
l’église.
Et il vit qu’il n’y avait aucune
issue.
Saint-Antoine-le-Petit était gardée
par des ennemis. Une trentaine d’hommes d’armes et d’arbalétriers occupaient la
place devant les marches, tous vêtus de ces livrées inconnues. Si Smithson et
les archers se trouvaient à l’intérieur, ils étaient à peu près à l’abri, car
ils pouvaient défendre la porte ; mais Hook comprit sans peine que
l’ennemi était là pour les empêcher de s’échapper et en interdire l’accès à
quiconque. Il songea à courir vers la porte, mais devina qu’elle serait
verrouillée et qu’il serait dès lors une cible facile.
Les hommes ne se contentaient pas de
garder l’église. Ils buvaient ; ils avaient attaché jambes écartées deux
filles dévêtues aux tonneaux qu’ils étaient allés chercher dans une taverne, et
l’un après l’autre ils relevaient leurs cottes et les violaient. Les filles
restaient coites comme si elles avaient épuisé leurs larmes et leurs cris. La
cité résonnait des cris des femmes qui crissaient dans la conscience de Hook
comme des flèches qui glissent sur l’ardoise. C’est peut-être pour cette raison
qu’il resta immobile au coin de la ruelle comme un animal ne sachant plus où aller.
Il se demandait si les filles étaient mortes, tant elles étaient inertes, quand
l’une d’elles tourna la tête. Cela lui rappela Sarah et il se sentit coupable.
La fille, qui n’avait pas treize ans, fixait le vide tandis qu’un homme
s’agitait en grognant au-dessus d’elle.
À cet instant, une porte s’ouvrit
dans la ruelle, dans un flot de lumière, et Hook vit un homme d’armes vêtu
d’une livrée ornée d’un épi d’argent sur fond vert tituber, tomber à genoux et
vomir dans la boue. Un autre semblablement vêtu sortit à son tour et
s’esclaffa. Apercevant Hook et son grand arc de guerre, il porta la main à son
épée.
Sans réfléchir, Hook, paniqué,
frappa le soldat d’un coup si
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