Azincourt
Hook.
— C’est difficile.
— Baisse les yeux sur le
carreau, lui conseilla Will. Tiens solidement l’arbalète et appuie lentement et
fermement sur la gâchette. Et Dieu soit avec toi !
Elle acquiesça et remonta le cric.
Il lui fallut longtemps, mais au lieu de tirer elle posa l’arme et se contenta
de regarder Hook en songeant combien cela paraissait facile pour lui d’abattre
un arbre ou de tirer une flèche.
— Je vais voir si les jumeaux
ont besoin d’aide, dit Will, car tu t’en sors très bien tout seul.
— C’est vrai. Va les trouver.
Des fils de fouleur, cela veut dire qu’ils n’ont jamais vraiment travaillé de
leur vie.
Will ramassa sa hache, son carquois
et son arc et disparut sous les arbres. Mélisande le regarda s’éloigner puis
contempla distraitement l’arbalète.
— Le père Christopher m’a
parlé, dit-elle à mi-voix. Il veut savoir si nous allons nous marier.
— Nous marier ? Et
qu’as-tu répondu ?
— Je lui ai dit peut-être.
— Peut-être, répéta-t-il. Oui,
c’est une bonne idée.
— Tu le penses ?
— Bien sûr.
Elle le regarda un moment sans rien
dire, puis elle ramassa l’arbalète.
— Je baisse les yeux sur le
carreau et je tiens l’arme solidement ?
— Et tu appuies doucement sur
la gâchette. Retiens ton souffle, oublie le carreau et regarde seulement là où
tu veux qu’il vole.
Elle visa le même arbre que la
première fois. Hook la regarda fermer les yeux, à la fois concentrée et
impatiente. Le carreau passa à côté de l’arbre et disparut dans les branches.
— Tu n’as pas beaucoup de
carreaux, dit Hook. Et ceux-là ont été fabriqués tout exprès pour cette arme.
— Il faut que j’aille chercher
les deux que j’ai tirés ?
— Tu pourras le faire pendant
que je coupe quelques branches, sourit-il.
— Il m’en reste neuf.
— Onze serait mieux.
Elle posa l’arme à terre et
descendit sous le couvert des arbres. Hook remonta le cric sans peine, espérant
que garder la corde tendue en permanence assouplirait l’arme et faciliterait la
tâche de Mélisande, puis il retourna à sa corvée. Il se demandait pourquoi le
roi voulait tant de pièces de bois de cette taille, mais après tout ce n’était
point son affaire. Il entendit un arbre s’effondrer un peu plus loin et des
pigeons effrayés s’envoler. Il commençait à s’inquiéter de l’absence prolongée
de Mélisande quand elle apparut soudain, l’air alarmé.
— Il y a des hommes !
dit-elle.
— Bien sûr qu’il y en a. Ils
sont partout, répondit-il en coupant une branche grosse comme le bras d’un seul
coup de hache.
— Des hommes d’armes,
reprit-elle. Des chevaliers* !
— Sans doute des nôtres.
Des patrouilles parcouraient chaque
jour les alentours, guettant la venue de troupes et de ravitaillement pour les
assiégés.
— Ils sont français !
siffla-t-elle.
Hook en doutait, mais il posa sa hache.
— Allons voir.
Et en effet, il vit des cavaliers
longeant un sentier envahi de fougères dans l’épaisse forêt. Hook en compta une
douzaine, mais il sentait que d’autres suivaient. Et Mélisande avait vu juste.
Casqués, ils portaient bien par-dessus leur armure une cotte d’armes, mais leur
livrée lui était inconnue. Celui qui menait la marche leva la main et fixa
longuement le haut de la pente pour tenter de discerner d’où venaient les coups
de hache. D’autres cavaliers surgirent derrière.
— Des Français, chuchota
Mélisande.
— Si fait.
— Faut-il se cacher ?
demanda-t-elle.
— Non.
Il retourna avec elle à son
chantier, ramassa l’arbalète et parcourut la crête en criant :
— Les Français ! Ils
arrivent ! Tous aux chariots ! Will ! Imite sir John et crie à
tous que les Français arrivent et qu’il faut regagner les chariots ! Fais
ce que je te dis ! Où est Matt ?
Tom Scarlet désigna le sud sans un
mot. Will suivit la consigne et courut le long de la crête en ordonnant à tous
de se replier vers la route. Goddington, leurré par son imitation, accourut et
trouva Hook, Mélisande et Tom au lieu de sir John.
— Au nom de Dieu, que se
passe-t-il ? gronda-t-il.
— Des Français, répondit Hook
en désignant l’ouest.
— Ne sois pas sot, Hook. Il n’y
a aucun damné Français par ici.
— Je les ai vus. Ils portaient
armures et épées.
— Ce sont les nôtres,
probablement une patrouille.
Le centenier était tellement sûr de
lui que Hook
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