Azincourt
qu’il commença,
opina Hook, se demandant comment Mélisande connaissait ce personnage
légendaire.
— Et il devint chevalier, mena
armées ! Et à présent, sir John t’a fait vintenier !
— Un vintenier n’est point
chevalier, sourit Hook.
— Mais sir Robert le fut
naguère ! Puis centenier, homme d’armes et enfin chevalier ! Alice me
l’a dit. Et s’il a pu le devenir, pourquoi pas toi ?
Cette perspective était si étonnante
que Hook resta un moment sans voix.
— Moi ? Homme
d’armes ? dit-il finalement.
— Et pourquoi pas ?
— Je ne suis pas assez bien
né !
— Sir Robert ne l’était pas
davantage.
— Eh bien, cela se peut
parfois, dit Hook. (Il connaissait d’autres archers qui avaient mené des
compagnies et s’étaient enrichis. Sir Robert était le plus célèbre, mais il y
avait aussi Thomas de Hookton, qui était mort seigneur de mille acres.) Mais ce
n’est point souvent, et il faut de l’argent.
— Et qu’est-ce que la guerre
pour vous autres hommes, hormis de l’argent ? Vous ne parlez que
prisonniers et rançons. Capture mon père, ajouta-t-elle avec un sourire
mauvais. Nous le rançonnerons et prendrons son argent.
— Cela te plairait ?
— Oui, dit-elle d’un ton
vengeur. J’aimerais cela.
Hook tenta de s’imaginer riche.
Recevant une rançon bien plus élevée que ce que la plupart peuvent rêver gagner
en une vie entière. Il fut interrompu dans sa rêverie en voyant frémir
brusquement John Fletcher, l’un des archers plus âgés qui avait pris ombrage de
sa promotion. Il courut vers la fosse à purin.
— Fletch est malade, dit-il.
— Et la pauvre Alice aussi, ce
matin, dit Mélisande avec une grimace de dégoût. La diarrhée* !
Hook, qui n’avait guère envie de
connaître les détails, fut sauvé par l’arrivée de sir John Cornewaille.
— Sommes-nous éveillés ?
beugla le chevalier.
— Nous le sommes, sir John,
répondit Hook pour les archers.
— Alors aux tranchées !
Que ce damné siège se fasse !
Hook chaussa ses bottes humides,
enfila son haubert et sa cotte d’armes et coiffa son casque, puis il se rendit
à la tranchée. Le siège continuait.
La taupe tremblait à chaque boulet qui
l’atteignait. La paroi avant était déchiquetée et hérissée de carreaux, mais
les projectiles ennemis n’avaient pas réussi à rompre le bouclier ni même à
l’affaiblir, et dessous les sapeurs gallois étaient à l’ouvrage.
D’autres galeries étaient creusées sur
le flanc est d’Harfleur, où étaient cantonnées les armées du duc de
Clarence ; et de part et d’autre, les bombardes tonnaient et les boulets
rongeaient les murailles, mangonneaux et trébuchets lançaient des pierres dans
la ville, et fumée et poussière envahissaient les rues, tandis que les galeries
progressaient vers les remparts. Celles de l’est aboutissaient sous les
murailles, où de grandes cavités, étayées de bois, étaient creusées dans la
craie. Le moment venu, ce bois serait mis à feu et les cavités
s’effondreraient, entraînant avec elles les murailles. La galerie de l’ouest,
dont l’entrée était protégée par la taupe, était un tunnel menant sous le grand
bastion qui défendait la porte de Leure. Une fois cette barbacane abattue,
l’armée anglaise pourrait assaillir la brèche voisine sans danger d’être
attaquée par le flanc par sa garnison. Or donc, les Gallois creusaient, les
archers gardaient la taupe et la ville souffrait.
La barbacane était faite de gros
troncs de chêne enfoncés dans le sol et cerclés de fer. Ces troncs formaient
deux tours rondes et basses jointes par une muraille et remplies de terre et de
débris, le tout protégé par un fossé inondé. Les troncs les plus proches,
fendus par l’artillerie anglaise, laissaient s’écouler la terre, formant une
rampe instable qui comblait en partie le fossé, le bastion résistait néanmoins.
Ce qu’il en restait était garni d’arbalétriers et d’hommes d’armes, et ses
bannières flottaient comme un défi. Chaque soir, quand les bombardes anglaises
cessaient le feu, les défenseurs se lançaient dans des réparations et l’aube
révélait une nouvelle palissade que l’artillerie anglaise s’empressait
d’entamer à nouveau. Pendant ce temps, d’autres bombardes tiraient sur la
ville.
La première fois que Hook avait vu
Harfleur, la cité lui avait paru presque magique dans le soleil d’août, avec
ses toits
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