Azincourt
entendent.
— Maudits soient ces crevards
putrides, maugréa sir John. Je ne les entends toujours point, ajouta-t-il pour
Hook.
— Ils sont là, dit celui-ci
avec assurance.
Un des sapeurs murmura quelques mots
en gallois.
— Il redoute ce qui risque
d’arriver si l’ennemi entre dans notre galerie, sir John.
— Aménagez une chambre ici, dit
sir John. Assez grande pour accommoder six ou sept hommes. Nous y posterons
archers et hommes d’armes. Ayez vos armes à portée, mais continuez de creuser.
Nous allons abattre la barbacane.
La galerie était dirigée vers la
tour la plus au nord de ce bastion récalcitrant, dans l’espoir de l’abattre et
de combler le fossé inondé.
— C’est bien, les amis, les
encouragea sir John. Dieu est avec vous. (Il fit signe à Hook de le suivre vers
la sortie.) J’espère qu’il est vraiment avec nous, marmonna-t-il. Et nous
allons devoir poster des défenses ici aussi.
— Dans la taupe ?
— Si ces gueux entrent dans
notre galerie, Hook, ils déferleront sur nous hors de ce trou comme rats flairant
fromage. Nous allons y élever un mur et le garnir d’archers.
— Un mur risque de ralentir
notre tâche, sir John.
— Maudit sois-tu, Hook, je le
sais ! rétorqua sir John. Nous devons mettre fin à ce siège qui dure
depuis trop longtemps. Les hommes tombent malades. Nous devons quitter ce
cloaque.
— Pourquoi pas des
tonneaux ? proposa Hook.
— Des tonneaux ?
— Quatre, remplis de terre et
pierres. Si les Français arrivent, qu’on les roule dans la galerie pour les
entasser. Une demi-douzaine d’archers pourront faire son affaire à quiconque
tente de franchir l’obstacle.
Sir John observa l’entrée un moment
et hocha la tête.
— Ta mère n’a pas perdu son
temps en écartant les cuisses, Hook. C’est bien, mon garçon. Qu’ils soient mis
en place avant le coucher du soleil.
Ce fut fait. En attendant la relève,
Hook alla à la tranchée près de la taupe et contempla les murailles écroulées
rougies par le soleil. Derrière lui, dans le camp anglais, un homme jouait au
flûtiau une mélodie plaintive. Hook était las. Il voulait seulement manger et
dormir et ne prêta guère attention à l’homme d’armes qui le rejoignait sur le
parapet. Il portait un casque dissimulant à demi son visage et seulement un
gambison, mais ses bottes étaient de belle façon et sa chaîne d’or indiquait
son rang élevé.
— Est-ce un chien mort ?
demanda-t-il en désignant un cadavre que picoraient des corbeaux entre le camp
anglais et la barbacane.
— Les Français les abattent
lorsqu’ils s’échappent de nos lignes. Et le lendemain, on ne les retrouve plus.
— Les chiens ?
— Les Français les mangent,
expliqua sèchement Hook. C’est de la viande fraîche.
— Ah, bien sûr. Je n’ai jamais
mangé de chien.
— Cela a un peu le goût de
lièvre, mais en plus filandreux. (Il aperçut la balafre sur le côté du nez.)
Sire… ajouta-t-il précipitamment en mettant un genou en terre.
— Relève-toi, dit le roi en
contemplant la barbacane qui n’était plus qu’un amas de terre à peine défendu
par des troncs plantés dedans. Nous devons l’abattre. (Hook guettait sur la
barbacane un mouvement qui aurait indiqué un arbalétrier prêt à tirer, mais le
roi n’était pas en danger, car les Français se calmaient habituellement dès le
coucher du soleil, et ce soir-là ne faisait pas exception. De part et d’autre,
l’artillerie était muette.) Je me rappelle le premier jour de siège, reprit le
roi, comme perplexe. Les cloches qui carillonnaient dans la cité. Je croyais
que c’était par défi, puis je compris qu’ils enterraient leurs morts. À
présent, elles ne sonnent plus.
— Trop de morts, Sire, dit
Hook, gêné. Ou bien ils n’ont plus de cloches.
Il avait l’impression que parler au
roi lui faisait venir des pensées incohérentes.
— Il faut y mettre promptement
fin. Le saint te parle-t-il toujours ? (Hook, surpris que le roi se
souvienne de lui, se contenta de hocher la tête.) C’est bien, car si Dieu est à
nos côtés, rien ne nous vaincra. Souviens-t’en ! Et nous vaincrons,
ajouta-t-il comme pour lui-même avant de repartir vers la taupe où une poignée
d’hommes l’attendaient.
Hook alla se coucher.
Le lendemain matin, quand une
bombarde tira, la terre trembla.
Hook était dans la galerie, tout au
bout, où sir John l’avait emmené à nouveau, quand la
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