Azincourt
bouger avant
la nuit. Ils nous tirent dessus.
— Mon frère !
— Il s’est enfui.
Hook se demanda ce qu’il était
advenu de sir Edward. Le bout de la galerie s’était-il effondré ? Ou bien
les Français avaient-ils trucidé tous ceux qui s’y trouvaient ? L’ennemi
avait creusé sa propre galerie au-dessus de la leur et était tombé sur eux.
Hook imagina le soudain combat, la mort dans les ténèbres et la souffrance
d’agoniser enterré vivant.
— Tu voulais me tuer, dit-il à
Robert.
Perrill ne répondit pas. Il était
encore à demi enfoui dans le sol et avait perdu son épée.
— Tu allais me tuer, répéta
Hook.
— Mon frère, pas moi.
— C’est toi qui tenais l’épée.
— Pardonne-moi, Nick, dit
Perrill en s’essuyant le visage. (Hook ricana sans répondre.) Sir Martin avait
dit qu’il nous paierait.
— Ton père ?
— Oui, dit Perrill d’une voix
hésitante.
— Parce qu’il me hait ?
— Ta mère s’est refusée à lui.
— Et c’est la tienne qui a été
sa catin, se moqua Hook.
— Il nous a dit qu’elle irait
au Ciel, parce qu’une femme va au Ciel quand elle couche avec un prêtre.
— C’est un dément, répondit
Hook. Il a pris un coup de lune.
— Il lui donne de l’argent, et
à nous aussi.
— Pour me tuer ? demanda
Hook.
Certes, les Français épargneraient à
sir Martin tout le mal qu’il se donnait : les carreaux ne cessaient de
siffler tout autour d’eux.
— Il veut ta femme, dit
Perrill.
— Combien te paie-t-il ?
— Un marc chacun, dit Perrill,
s’empressant de se ranger aux côtés de Hook.
Un marc. Cent soixante sous, soit
trois cent vingts pour les deux frères. La solde de cinquante-trois jours pour
un archer. Tel était le prix de la vie de Hook et du malheur de Mélisande.
— Pour me tuer et prendre ma
femme ?
— C’est ce qu’il veut.
— C’est un dément malfaisant.
— Il peut être bon, plaida
lamentablement Perrill. Te souviens-tu de la fille de John Luttock ?
— Bien sûr.
— Il l’a prise, mais il a payé
John en lui donnant sa dot.
— Il a payé cent soixante sous
pour la violer ?
— Non ! Je crois que
c’étaient deux livres, peut-être plus. John était heureux.
La lumière faiblissait de plus en
plus vite. Les Français avaient réservé leur artillerie chargée pour le moment
où leur contre-mine percerait la galerie des Anglais, et à présent ils tiraient
coup sur coup depuis les remparts d’Harfleur.
— Robert ! cria une voix
depuis la taupe.
— C’est Tom ! dit Robert,
qui s’apprêta à répondre.
— Tais-toi ! gronda Hook
en lui plaquant une main sur la bouche. Qu’allons-nous faire à présent ?
demanda-t-il en ôtant sa main.
— Comment cela ?
— Si je te sors d’ici, tu
essaieras à nouveau de me tuer.
— Non ! Aide-moi,
Nick ! Je ne puis bouger !
— Alors, qu’allons-nous
faire ? répéta Hook.
— Je ne te tuerai point.
— Que dois-je faire ?
— Tire-moi de là, Nick, je t’en
prie.
— Ce n’est pas à toi que je
parlais. Que dois-je faire ?
« Qu’est-ce que tu
t’imagines ? » railla la voix de saint Crépin, le moins tendre des
deux.
— C’est un meurtre, dit Hook.
— Je ne te tuerai point !
insista Perrill.
« Tu crois que nous avons sauvé
la fille afin qu’elle puisse être violée ? » demanda saint Crépinien.
— Sors-moi de cette boue !
supplia Perrill.
Au lieu de cela, Hook ramassa un
carreau égaré. Il était long comme son avant-bras, épais comme deux pouces et
empenné de lames de cuir. La pointe était rouillée, mais encore aiguisée.
Il tua Perrill de la manière la plus
simple. Il lui assena un bon coup sur le crâne, et pendant que l’archer était
assommé il lui enfonça le carreau dans un œil jusqu’à ce que la pointe atteigne
le crâne. Perrill se débattit un peu, mais il mourut assez vite.
— Robert ! cria de nouveau
Tom Perrill.
Hook s’essuya la main sur la chainse
de Robert et se dégagea entièrement de la terre. La nuit était presque tombée
et la fumée des bombardes voilait le peu de jour qui demeurait. Il enjamba le
cadavre de Perrill et tituba vers la taupe. Des carreaux sifflèrent autour de
lui, mais les tirs étaient au jugé et il atteignit la taupe sans encombre. Il
se laissa tomber dans la tranchée au milieu des soldats qui le dévisagèrent
anxieusement.
— Combien ont survécu ?
demanda un homme d’armes.
— Je
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