Azincourt
les a joints,
expliqua sir John.
— Un navire ?
— Pour l’amour du Christ, tu
sais ce qu’est un navire !
— Mais comment ?
— Notre damnée flotte était
endormie, voilà comment ! À présent, les voici ravitaillés. Dieu maudisse
ces gueux.
Apparemment, Dieu avait changé de
parti, car les défenses d’Harfleur, bien qu’amoindries, étaient constamment
réparées. De nouveaux murs remplaçaient les décombres, et chaque nuit la
garnison creusait encore le fossé et élevait de nouveaux obstacles dans les
brèches. La pluie de carreaux ne faiblissait pas, prouvant que la ville était
bien pourvue ou que le navire l’avait ravitaillée. Pendant ce temps, la maladie
décimait les Anglais. Sir John entra dans la tente du père Christopher et
s’enquit de sa santé auprès de Mélisande.
Elle haussa les épaules. Pour Hook,
le prêtre était déjà mort, car il ne bougeait plus, la bouche entrouverte et le
teint grisâtre.
— Respire-t-il ? demanda
sir John. (Mélisande acquiesça.) Dieu nous aide, dit-il en ressortant.
Il y eut quelques bonnes nouvelles.
Sir Edward Derwent était prisonnier dans la cité, tout comme Dafydd. Les
hérauts, revenant d’une autre vaine tentative de convaincre la garnison de
capituler, racontèrent comment les hommes pris au piège dans la galerie
s’étaient rendus. La galerie avait été abandonnée, mais sur le flanc est, où le
frère du roi tenait le siège, d’autres galeries étaient creusées. La meilleure
nouvelle était que les Français ne faisaient aucun effort pour secourir la
cité. Les patrouilles anglaises qui s’enfonçaient dans les terres pour trouver
du grain ne repéraient nulle armée venue s’abattre sur les Anglais affaiblis.
Harfleur semblait livrée à elle-même, bien qu’il parût que ses assaillants
succomberaient avant qu’elle pourrisse.
— Tout cet argent dépensé, se
lamenta sir John, pour marcher une demi-lieue et régner sur un royaume de
tombes et de latrines.
— Pourquoi
demeurons-nous ? demanda Hook.
— Quelle question
stupide ! La cité pourrait fort bien se rendre demain ! Et toute la
chrétienté nous regarde. Si nous abandonnons le siège, nous paraîtrons faibles.
Et par ailleurs, même si nous poussons dans les terres, rien n’indique que nous
rencontrerons les Français. Ils ont appris à redouter les armées anglaises et
savent que la meilleure manière de se débarrasser de nous est de se terrer dans
leurs forteresses. Nous abandonnerions ce siège pour en commencer un autre.
Non, nous devons nous emparer de cette maudite cité.
— Alors pourquoi n’attaquons-nous
point ?
— Parce que nous perdrions trop
d’hommes. Imagine, Hook. Arbalètes, mangonneaux, bombardes tirant sur nous dès
le premier pas, nous accablant quand nous parviendrions au fossé, derrière
lequel nous en trouverions un autre, et une muraille, et encore de
l’artillerie. Nous ne pouvons nous permettre cent morts et quatre fois plus de
blessés. Nous sommes venus conquérir la France, et non mourir dans cette fosse
à merde. Si je commandais la garnison d’Harfleur, je sais ce que je ferais, dit-il
en donnant un coup de pied rageur sur une motte de terre et en contemplant six
navires anglais ancrés devant l’entrée du port.
— Quoi donc ?
— J’attaquerais. Je nous
frapperais pendant que nous sommes à demi infirmes. Nous parlons chevalerie,
Hook, et nous sommes chevaleresques. Nous combattons si courtoisement.
Pourtant, sais-tu comment on remporte une victoire ?
— En combattant comme
scélérats.
— En vérité, Hook ! En se
battant comme le diable et en envoyant la chevalerie en enfer. Il n’est point sot.
— Le diable ?
— Non : Raoul de Gaucourt.
C’est lui qui commande la garnison. C’est un gentilhomme, Hook, mais aussi un
combattant. Et point sot. Et si j’étais Raoul de Gaucourt, je nous botterais
les fesses dès maintenant.
Et c’est ce que fit Raoul de Gaucourt
le lendemain.
— Éveille-toi, Nick !
beugla le centenier Thomas Evelgold en secouant tellement l’abri qu’il fit
tomber une pluie de feuilles mortes et de terre.
— Tom ? interrogea Hook en
ouvrant les yeux dans l’obscurité.
Mais le centenier était déjà parti
réveiller les autres archers, tandis qu’une deuxième voix appelait les hommes
au rassemblement.
— Armures ! Armes !
Hâtez-vous, bon sang ! Tous ici !
— Qu’y a-t-il ? demanda
Mélisande.
— Je ne sais,
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