Azincourt
l’artillerie masquait la cible.
— Continuez de tirer !
cria sir John Holland.
Hook s’enveloppa la main gauche d’un
linge. Sa deuxième flèche fit mouche. Les traits enflammés volaient dans l’air
matinal en un déluge de feu et la barbacane était déjà piquetée de flammes.
Hook vit les défenseurs bouger sur le rempart et devina qu’ils versaient de
l’eau. Il tira sa dernière flèche à feu ; les flammes s’étendaient un peu
partout et de la fumée s’élevait de la barbacane. L’une des bannières prit feu.
Hook tira trois autres flèches sur les remparts, puis une trompette sonna non
loin et les hommes chargés des fagots s’élancèrent.
— À leur suite ! cria sir
John Holland. Couvrez-les !
Archers et hommes d’armes sortirent
de la tranchée.
À présent, Hook pouvait tirer
par-dessus les premières lignes et viser les arbalétriers qui avaient
brusquement surgi sur le parapet enfumé.
— Des flèches !
réclama-t-il.
Un page lui apporta un carquois. Il
tirait maintenant à l’instinct flèche sur flèche vers les Français qui
n’étaient plus que des silhouettes dans la fumée de plus en plus épaisse. Des
cris s’élevèrent du fossé. Des hommes perdaient la vie, mais les fagots le
comblaient.
— Pour Henry et saint
George ! cria sir John Cornewaille. Porte-étendard !
— Me voici ! répondit un
écuyer qui portait la bannière du seigneur.
— En avant !
Les hommes d’armes suivirent sir
John sur le sol brûlé et accidenté en hurlant. Les archers leur emboîtèrent le
pas. La trompette sonnait toujours. D’autres hommes avançaient de part et
d’autre. Les archers qui avaient comblé le fossé commençaient à tirer vers le
rempart. Des carreaux tombèrent en pluie. L’un des hommes de sir John se plia
en deux et s’écroula. Un autre, fils de comte, tituba, un trait fiché dans sa
visière, repoussa la main secourable de Hook et, malgré sa blessure, reprit sa
marche.
— Criez, vous tous !
ordonna sir John. Plus fort !
Une bombarde laissa échapper un
panache de fumée âcre depuis les remparts et le boulet s’abattit obliquement
sur les assaillants. Un homme d’armes touché à la cuisse s’effondra, un page
fut éventré, et le boulet ensanglanté poursuivit sa course pour se perdre dans
les marécages.
— Ne leur laissez point de
répit ! s’écria sir John en sautant sur les fagots. Tuez-les !
Dans un tumulte de cris, les
premiers attaquants avançaient en vacillant sur les fagots inégaux. Les
carreaux sifflaient, les défenseurs lançaient des pierres et des débris de bois
du haut de leur rempart. Deux autres bombardes tirèrent depuis la cité et
manquèrent leur cible. Des trompettes sonnèrent dans Harfleur mais tant que les
Anglais étaient proches de la barbacane, ils se trouvaient à l’abri des
projectiles de la ville.
Hook vida tout son carquois sur les
hommes de la barbacane et chercha un page du regard.
— Horrocks ! cria-t-il à
son plus jeune archer. Va chercher des flèches !
Il vit un archer blessé qui n’était
pas de sa compagnie assis un peu plus loin et prit une poignée de ses flèches.
Les bannières anglaises étaient au pied de la barbacane, et la plupart des
hommes d’armes l’escaladaient entre les flammes et la fumée sous un déluge de
pierres jetées par les Français. Le roi était là, ou du moins son oriflamme
flottait-elle dans ce tumulte, et Hook fut rempli de fierté à la pensée que
l’Angleterre avait un roi combattant et non quelque souverain à demi dément qui
se faisait cercler le corps de lanières parce qu’il se croyait fait de verre.
La bannière de sir John qui claquait
à main droite fut rejointe par celle aux trois cloches de sir William Porter.
Hook s’élança vers le bord du fossé en criant à ses hommes de le suivre. Il
sauta dedans et atterrit sur un cadavre en armure. Un carreau avait transpercé
son camail et déchiqueté sa gorge, et il avait déjà été dépouillé de son épée
et de son casque. Hook traversa sur les fagots instables et se hissa de l’autre
côté dans l’épaisse fumée. Il lâcha trois flèches et encocha la dernière. Les
flammes redoublaient d’ardeur, nourries par les débris de la barbacane, mais
ces feux, avant tout allumés pour aveugler les assiégés, étaient maintenant un
obstacle pour les Anglais. Le sifflement de flèches lui indiqua que les pages
avaient ravitaillé les archers, mais Hook était maintenant trop
Weitere Kostenlose Bücher